La grande affaire de la vie d'Armand Robin fut incontestablement l'écoute des radios étrangères. Elle a occupé la majorité de son temps et a été au centre de son oeuvre : on le voit bien dans Le Monde d'une voix / fragments, des textes rédigés dès 1942-43. Plus tard, après la guerre, ce seront des articles de réflexion sur la propagande et ce qu'il entend sur les radios du monde en pleine guerre froide et qu'il publiera dans Combat avant qu'il ne livre ses réflexions sur ce métier d'écouteur de radios qu'il dit avoir inventé : ce sera La Fausse Parole et Outre Ecoute 1955. On trouvera ci-dessous un texte trouvé dans son appartement à sa mort, des présentations du Bulletin d'écoutes, des chroniques parues dans le journal Combat et de La fausse parole ÉCOUTE DE RADIO Traversé de mondes bruyants, appelé par tous les cris, je m'écorche dans les nuits ; avec les mélodies d'après-minuit je trompe les ombres ; les nuages qui passent la nuit sous le ciel sont désormais composés de vies humaines qui attendent de tomber et se meuvent obscurément en des règnes que fréquentent des oreilles qui n'entendent plus. Et le cours des astres, entre minuit et l'aube, ne me semble plus charrier que des cris éphémères et fragiles ; et quand ces cris parviennent à leur point le plus frêle, alors sur la pointe la plus tremblante du monde d'à présent, je dors un instant ; je prends pour oreiller ce qu'il y a de plus flottant au monde et ma vie, avant que viennent les rêves, tangue de songes. Deux heures après, je retrouve un monde au repos, un monde d'avant le monde, un monde encore innocent de mots. Les récits des faux drames auront beau recommencer, un grand instant, deux heures avant l'aube, se passera avant que les premiers mensonges de la fragilité humaine reparaissent. Ce texte d'Armand Robin est extrait de L'homme sans Nouvelle, éditions Le Temps qu'il fait, Cognac.Une version légèrement différente figure dans Fragments, Collection blanche, Gallimard. |