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Armand Robin: la poésie personnelle:
Le Monde d'Une Voix / Fragments



Fifres, trompettes, tambourins ont passé;
Ils n'ont pu me faire sautiller.
Patiente, prenante, surprenante,
La douleur me donne une âme sans passé,
Les temps, les lieux m'apparaissent recréés.

   La cantilène
   D'un coeur étouffé
   Sera mon hiver, sera mon été.
   Une oeuvre étouffée
   Se retire du vert,
   Des sons d'univers

     Que faire de ce plein jour?
     Vienne une nuit d'ombres amies
    Où nul tyran ne puisse m'épier!

Je veux parler! au plus humble je veux parler!
Les pleurs de l'homme à neuf m'ont créé,
Les temps, les lieux.
Petit Poucet de la Charité, je laisse mes chants
Derrière moi d'arbre en arbre au fond des bois tomber.


       Avec de grands gestes,
J'ai jeté pendant quatre ans mon âme dans toutes les langues,
J'ai cherché, libre et fou, tous les endroits de vérité,
Surtout j'ai cherché les dialectes où l'homme n'était pas dompté.
Je me suis mis en quête de la vérité dans toutes les langues.

Le martyre de mon peuple, et de tout peuple, on m'interdisait
                En français.
J'ai pris le croate, l'irlandais, le hongrois, l'arabe, le chinois
                Pour me sentir un homme délivré.

J'aimais d'autant plus les langues étrangères
       Pour moi pures, tellement à l'écart :
Dans ma langue française (ma seconde langue) il y avait eu la trahison, toutes les trahisons :
               On y disait oui à l'infamie.
                    On savait y dire oui à l'infamie!

J'ai senti le martyre de mon peuple dans les mots de tous les pays
J'ai souffert en breton, français, norvégien, tchèque, slovène, croate
              Et surtout en russe .

Je me suis étendu sur la grande terre russe,
J'entendais les chants d'un peuple immense qui voulait bien mourir

      Et là, crucifié, je ne sentais pas de mal,

     Là, fatigué, je ne sentais que de la rosée,
     Là, fatigué de moi, je me sentais reposé

     Là, fatigué, j'ai tout senti en rosée

L'ÉTRANGER
Je ne suis qu'apparemment ici.
Loin de ces jours que je vous donne est projetée ma vie.

Malhabile conquérant par mes cris gouverné,
Où vous m'apercevez je ne suis qu'un étranger.
Gestes d'amour partout éparpillés
Je me fraye une voie isolée, désertée.

D'une science à l'autre j'ai pris terrier,
Lièvre apeuré sentant sur lui braqué
Le fusil savant et sûr de la destinée.
Aucune terreur ne m'a manqué.

Armand Robin : Fragments
Le texte 2 n'est sans doute que le 2e partie d'un ensemble dont la première est inconnue.

On trouvera d'autres extraits du Monde d'une Voix / Fragments :
les écoutes de radios : Fragments  et Rimbaud : Fragments Autres textes non retenus dans Fragments (partie 6)