ÉCOUTE DE RADIO
Traversé de mondes bruyants, appelé par tous les cris, je m'écorche dans les nuits ; avec les mélodies d'après-minuit je trompe les ombres ; les nuages qui passent la nuit sous le ciel sont désormais composés de vies humaines qui attendent de tomber et se meuvent obscurément en des règnes que fréquentent des oreilles qui n'entendent plus.
Et le cours des astres, entre minuit et l'aube, ne me semble plus charrier que des cris éphémères et fragiles ; et quand ces cris parviennent à leur point le plus frêle, alors sur la pointe la plus tremblante du monde d'à présent, je dors un instant ; je prends pour oreiller ce qu'il y a de plus flottant au monde et ma vie, avant que viennent les rêves, tangue de songes.
Deux heures après, je retrouve un monde au repos, un monde d'avant le monde, un monde encore innocent de mots.
Les récits des faux drames auront beau recommencer, un grand instant, deux heures avant l'aube, se passera avant que les premiers mensonges de la fragilité humaine reparaissent.
Ce texte d'Armand Robin est extrait de L'homme sans Nouvelle, éditions Le Temps qu'il fait, Cognac.Une version légèrement différente figure dans Fragments, Collection blanche, Gallimard.