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Ma vie sans moi
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Armand Robin : la poésie

 avant et autour de Ma Vie Sans Moi 

Etonnements du traducteur Mesures 1939

                  


Étonnements du traducteur

 

Par une vanité singulière l'inspiration s'irriterait volon­tiers de cela même qui lui vaut sa plus vraie grandeur : elle se prétend solitaire, alors qu'entre son point de départ et son point d'arrivée sa condition est de tout rencontrer, mieux, de solliciter que tout l'accompagne ; elle collabore opiniâtrement, sournoisement, avec l'univers entier et soudain se pique d'être autonome. A l'avant-garde de toute vie humaine, elle joue et scintille comme une écume, joyeuse de contenir en sa blancheur je ne sais quoi d'où peut surgir une divinité, mais comment l'écume oublierait­-elle toute la mer, à laquelle son instabilité même l'atta­che encore ?


L'inspiration qui veut goûter à sa solitude ne le peut qu'en acceptant d'avoir recours au plus déconcertant des biais : quelque beau poème étranger peut soudain lui apporter, merveilleusement délivré d'incertitude, le résultat qu'elle attendait de ses plus douloureuses hésitations ; dès lors elle ne se sent plus sollicitée que par son pur dénouement, elle gagne de n'être séparée de son but que par un négligeable obstacle de  langage qu'il lui suffit d'effleu­rer pour qu'il ne soit déjà plus ; de tout un passé de patience il ne lui reste que l'allègre souci de créer.


Traduire un poème c'est conclure une alliance avec un premier traître ; confronté au réel du bon sens, tout beau poème est par nature un contre-sens orienté par l'harmo­nie ; rien ne doit, rien ne peut dispenser le poète traduc­teur de l'impérieux devoir de créer dans une autre lan­gue un contre-sens équivalent; l'on n'a point affaire aux mots seulement, mais au miracle qui leur a permis d'être poésie ; il est salutaire que l'esprit tout entier sente son pouvoir s'exercer à loisir sur la sonorité d'une syllabe ; qui veut parvenir à la justesse doit se laisser séduire par une terrible rigueur, dont ne peuvent donner idée les non­chalances de l'exactitude.

Armand Robin,  Mesures N°1 janvier 1939. Ce texte très légèrement remanié deviendra le texte liminaire de la partie traductions de Ma Vie Sans moi, Gallimard, 1940. Dans Mesures, il accompagnait 2 textes de Tuwim, l'arbre inconnu et les joncs


 

     Poésie personnelle
          Ma Vie Sans moi