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Armand Robin :
critique à la revue Esprit : 1937-1940

- Stephan Sweig Le Chandelier enterré 01 / 1938 -

 
 

Stephan ZWEIG : Le chandelier enterré

La première de ces trois « légendes » donne son titre au recueil ; mais nul dieu ou démon n'y agit ; il n'y a de combat qu'avec un objet, la menorah ; encore se résout-il par l'attente, une attente de 80 ans ; si peu d'inquiétude trouble et gêne l'esprit de Zweig. Les deux suivantes au contraire - l'une inspirée de la Bible, l'autre des livres hindous - montent d'idée en idée jusqu'à cette densité angoissante où Zweig se pose tranquillement et d'où il s'évapore plus tranquillement encore, sans trace pour nous comme pour lui. Brefs enchantements auxquels se dévoue le plus fugitif des firmaments : le Destin généralement nocturne, change avec l'élégante et tragique rapidité d'un nuage : on le regarde naître, errer, et se dissoudre, avec un air de s'unir à l'éternel dans le néant vigoureux du vent qui l'a porté.

 

 

La légende de Virata semble trahir et fixer enfin la hantise essentielle de Zweig ; cet enchanteur versatile s'obstine à damner les purs ; il les aime, les envie, les admire et surtout les méprise ; dans ses biographies de Nietzsche et Holderlin, il guettait, secrètement déçu de prévoir que ses héros échapperaient par la gloire à sa malédiction ; il les louait avec ressentiment, exaltait avec irritation ces élus chassés du paradis des mesquineries ; fasciné par ces anges « éblouissants de blancheur» (dernières pages de la vie de Holderlin), il désespérait de n'avoir pu saccager que leur plus douloureux secret, de n'avoir pu détruire leur nom. Dans l'imaginaire, il prend enfin sa revanche. Il accule le plus grand des guerriers, des juges et des saints, à des prodiges de vertu si monstrueux que tous, même ses chiens, abandonnent et oublient -« ce Virata dont le nom n'est point inscrit dans les chroniques des princes ni mentionné dans le livre des sages ».

Zweig ne sera pas libéré et devra haïr jusqu'à son dernier instant le génie qu'il porte et qui l'aime ; la pratique de la psychanalyse a créé en lui, de toutes pièces, un état psychanalytique ; en lui enseignant que de trop grands dons sont parfois malédiction intime, elle l'a persuadé qu'il faut toujours les craindre. Mais le génie n'a pas à s'effrayer de soi-même, si douloureux soit-il ; la sécurité, que Zweig demande en vain à des exorcismes, il peut se l'assurer par sa lucidité et surtout par sa fermeté ; s'il engendre l'inquiétude, il engendre aussi la force.

Armand Robin Esprit, janvier 1938

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