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Armand Robin :
critique à la revue Esprit : 1937-1940

- Supervielle L'Arche de Noé 06 / 1938 -

 

SUPERVIELLE  : L'Arche de Noé

Supervielle n'écrira bientôt plus que pour l'enfance de Dieu, à qui peut-être il a bien envie de prouver qu'il ne sait pas « jouer à la création » ; mais il se contente en fin de compte de l'étonner pas sa connaissance des sortilèges et, aussi, de l'aider par charité et même par sollicitude paternelle à composer un « monde-surprise », où la plus balourde motte de terre vaut que nous l'admirions et la soignions. C'est de la préciosité panthéiste.

Voici, pour notre extrême enchantement, « l'arche de Noé », où les éphémères se savent immortels jusqu'à nouvel ordre, puis « la fuite en Égypte » inspirée, dirigée par la « merveilleuse légèreté » d'une âme bovine, enfin « la femme retrouvée » par son mari assez subtil et inquiet pour trouver dans l'autre monde le moyen de se transformer en fox-terrier et retourner 27, rue des Canettes. Ces récits ne fixent que les caprices les plus ténus du hasard, les badinages de l'éphémère ; chaque être y devient un jouet, mais si fragile, si cristallin, qu'il ne peut être touché qu'une fois ; encore ne faudrait-il pas trop longtemps le caresser des yeux, peut-être sous ce coup y verrait-on soudain naître et croître une fêlure. L'art de Supervielle, qui jadis exigeait de nous plusieurs lectures, invite maintenant à une lecture rapide, qu'aide d'ailleurs une plus vraie sobriété dans l'économie des moyens : il ne faut plus qu'effleurer du regard cet univers, le nôtre, dont ne nous est laissé que les mirages.

 

Une seule de ces féeries semble médiocre : « Les bonshommes de cire ». Nul ne saura sans doute pourquoi. Supervielle s'y punit soudain en s'infligeant de ne plus songer qu'à des hommes incapables de monter dans l'échelle des êtres en devenant fox-terriers ou du moins en cohabitant avec toute la gent animale de l'arche de Noé. C'est par cet amour magnifique pour les animaux que l'œuvre de Supervielle se libère de sa gentillesse compliquée d'autrefois ; le poète est passé d'un simple jeu sur les bêtes à la connaissance de leur âme, de leur pensée et surtout de leurs caprices ; il y a du Walt Disney en lui. Supervielle n'est plus très loin de cet état de permanente grâce poétique devant laquelle les éléments les plus proches du début du monde, les végétaux d'abord, les animaux ensuite, possèdent le plus de vertu et d'autre part ne se leurrent jamais sur la réalité du monde qui les entoure. Saint Joseph se trompe, la Vierge s'attarde à d'illusoires apparences ; seuls deux êtres ne doutent pas : le tout minuscule Jésus et surtout le bœuf.

Ces derniers contes et les poèmes publiés dans le numéro de mars de la N .R.F. nous permettent de penser que Supervielle s'achemine vers sa propre nature et, par là, vers un art plus simple.

Armand Robin Esprit, juin 1938

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