DEPART DES GLACES
II
Jusque ce jour le sol tout printemps
N'ose rêver aux jeunes pousses;
Hors la neige haussant pomme d'Adam,
En noire berge de fleuve il pousse.
Le rouge ciel pique en tique son dard;
On ôte ensemble soir et chairs
Des bourbiers (O l'amant des chairs,
Le plan d'eaux dans le méchant nord !)
Son mets de soleil gros sa glotte,
Le soir sur la mousse ballotte
Ce pays, sur la glace le jette,
En saumon rose le déchiquète.
Il y a coteaux d'un silence tigre
Et faux-pas d'un crépuscule ivre;
Soudain glaçons hissant leurs canifs,
Vertes lames aux clacs explosifs,
Râle tenace, rapace, attristeur,
Morts bruits de fer, clics de canifs
Et mâchonneurs grincements de heurts
Masse contre masse massifs.
(1916-1928)