Liam O'FLAHERTY
: Le Puritain Gallimard
Le « puritain », c'est la troisième brute assommée par Liam
O'Flaherty contre les murs d'une ville fourbue, qui cette fois n'est guère irlandaise,
mais est toute Ville.
Choisir pour uniques héros des êtres si rudimentaires trahit en
Liam O'Flaherty le besoin de s'accorder avec les fatalités de l'atmosphère plutôt que
le souci de s'attacher à la vérité de l'homme. Et cette aisance à se satisfaire d'une
humanité honteusement mutilée finirait bien par inquiéter, si on s'en tenait aux
apparences que prêtent à l'auteur tant d'éclatants succès en librairie et à l'écran.
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En Liam
O'Flaherty les sources de la création sont sans doute à de plus riches profondeurs qu'il
n'apparaît encore. Le héros est devenu simple signe ; il est, non pas personne humaine,
mais créature modelée par des objets affreux ; il est du nombre de ceux qui ne sont que
le suintement de toute une ville sale, lasse, triste. Le « puritain » comme le «
Mouchard » marchent tête baissée, car partout ils passent devant leur maître ;
parfois, croirait-on, la brume gluante des ruelles va les absorber, reprendre ce qui lui
appartient.
L'art de Liam O'Flaherty, c'est du mysticisme à rebours : le même
mécanisme stylistique, qui servait à soulever les objets jusqu'au plan de l'âme ou
même du divin, s'emploie ici à rabaisser l'homme jusqu'aux bas-fonds des choses. C'est
la plus vraie originalité de O'Flaherty ; elle semble faire la preuve que cette
uvre touche aux plus tragiques défaites de notre civilisation et exige d'être
accueillie plus gravement. |