Georges LIMBOUR : Les
vanilliers (N.R.F.)
Il se publie, dans les meilleures années, quelque dix ouvrages de
valeur ; dans une civilisation bien faite, il est de règle que ce soient les seuls dont
presque nul contemporain ne songe à tenir compte ; et sans doute est-il fort bon de
laisser aux personnages considérables, qui dans les différents quotidiens, hebdomadaires
ou revues font profession de suivre pas à pas la production littéraire de leur temps, le
soin de louer systématiquement ce qui n'est digne d'aucune louange et de nous avertir
ainsi, avec une admirable infaillibilité, du médiocre : notre tri s'en trouve d'autant
facilité.
Silence complet sur l'euvre de Georges Limbour : en effet, la Pie voleuse (publié dans « Mesures) et les Vanilliers sont d'une qualité et, parfois,
d'une beauté, qui justifient pleinement cet insuccès. J'en parlerai pour ma part sans
précaution, comme d'euvres qui de toute évidence sont remarquables et méritent
toute confiance.
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Ces poèmes
légèrement romancés nous satisfont d'abord parce qu'ils portent partout la trace du
scrupule ; c'est du travail bien fait et toujours insatisfait ; Limbour souffre
visiblement de la nostalgie du parfait, il a besoin que le moindre détail soit soumis à
ce labeur patient et allègre, qui est le signe d'une inspiration trop profonde pour
parvenir rapidement à l'expression. Il est permis d'espérer que Limbour se créera
bientôt un langage, ce qui est la seule raison d'être de l'écrivain ; Limbour sait que
le poète n'a pas à être autre chose que poète, que sa vraie fonction sociale est de
bien faire son métier et que c'est un abus de confiance qui le fait devenir orateur ou
philosophe ; il est de ceux qui, parce qu'ils connaissent les limites de l'art, en
sauvegardent la valeur humaine. Nous regrettons seulement que, prisonnier encore de
quelques préjugés de cette époque, Limbour se
défende contre la simplicité, qui est le vrai but de la poésie et qui n'est que
l'autre nom de la perfection ; on le sent parfois s'efforcer après coup d'introduire dans
son récit de la complexité, c'est-à-dire de la facilité.
Par ailleurs, il semble que l'euvre de Limbour soit d'une assez
grande importance historique : ces récits sont, à notre connaissance, la meilleure mise
en euvre des trouvailles surréalistes ; de toutes ces recherches de l'après-guerre
le poète, il est vrai, n'a gardé que l'imagerie nouvelle, mais par là même il dégage
ce que le surréalisme sut malgré lui nous apporter de meilleur ; les
« Vanilliers » nous laissent ainsi pressentir une époque où, quoi qu'ils
aient fait pour l'éviter, les surréalistes se verront rendre justice ; grâce à un
livre comme celui de Limbour, nous sommes déjà tentés d'oublier qu'ils voulaient donner
la philosophie aux poètes et la poésie aux philosophes. |