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Armand Robin: l'oeuvre libertaire

*   Pour Gilles Martinet : le libertaire *

Pour Gilles Martinet

POURSUIVRA-T-ON, ne poursuivra-t-on pas Gilles Martinet ? L’affaire, odieuse, prend de surcroît une tournure comique.

Nous sommes loin d’être d’accord avec Gilles Martinet et l’équipe de « L’observateur ». A notre avis, « les progressistes » ne se sont libérés du mythe selon lequel le régime du monde russe serait foncièrement différent des régimes d’ici. En outre ils sont comme « possédés » par les fantasmes politiques, ce qui les conduit parfois à une compréhension uniquement cérébrale de la condition faite à l’homme en ces temps. Ils excluent le cœur, ce qui leur donne quelquefois des airs de batraciens mentaux. Ils établissent d’excellents constats de l’état de pulvérisation du monde actuel, mais ils dessèchent cette poussière même. Enfin, s’ils rencontraient Molotov au coin de la rue, ils seraient capables de ne pas éclater de rire !

Ceci dit, cette équipe est d’un niveau intellectuel et moral qui devrait imposer le respect, même à ses ennemis. Tous ceux d’entre eux que nous connaissons sont sincères ; ils ne sont guère intrigants, ce qui les distingue d’un grand nombre de mendessistes. Ils ne cessent de proclamer la primauté des concepts politiques, de réduire l’importance de l’éthique ; par bonheur, soit dit sans les affliger, ils représentent dans la France actuelle une valeur sûre morale. C’est pratiquement cela qui doit gêner et qu’on cherche à atteindre : le citoyen intègre, c’est le danger des dangers.

Ce que nous aimerions faire entendre au juge Duval, c’est l’aspect paradoxal et même ubuesque de toute accusation ou inculpation contre Gilles Martinet. Ce dernier, en effet, est comme par essence, absolument en dehors de tout ce monde de répression.

J’ai appris à apprécier Martinet dans la résistance. Celui-là, il était modeste et il le resta ; il ne se croyait nullement un héros. Il était d’excellent conseil ; il ne vous entretenait pas à tout propos de périls imaginaires, mais, très rarement, des quelques dangers réels du moment. Il n’avait pas de haine, ne connaissait aucun fanatisme ; il était surtout attristé. Au sujet des adversaires eux-mêmes, il cherchait des explications à leur conduite, et si possible des excuses. Il n’aimait pas les accusations.

Je le rencontrai souvent lors des combats de Paris et dans les mois suivants. Il souffrait : les mouchardages, les vengeances, les brutalités policières, les inculpations à tort et à travers, tous les excès étaient autant de scandales pour son esprit, de tourments pour son cœur. Lui, il ne fit rien contre aucun de ses adversaires vaincus ; je suis à peu près sûr que, dans tous les cas où l’ennemi vaincu lui paraissait digne d’estime, il se soucia de le sauver. Faut-il rappeler que, même si on était fort bien « placé » dans la Résistance, il fallait un certain courage à ce moment pour agir avec cette humanité ? Gilles Martinet n’aimait pas les inculpations.

Et c’est cet homme-là qu’on accuse et qu’on inculpe ? C’est d’un grotesque ! Je ne l’ai pas revu depuis 5 ans environ ; mais il est bien évident qu’il n’a pas changé, qu’il est resté toujours aussi humain, aussi ennemi de tout comportement répressif. Quant aux dossiers que la police a bien pu dresser contre lui, nous tenons à dire que nous ne croyons en aucun cas à rien de ce qui peut se trouver dans les papiers de ces gens-là ! Nous considérons comme n’ayant aucune réalité toutes les accusations présentes ou futures que des hommes assez indignes pour porter le titre de juges oseraient formuler contre Gilles Martinet.

 Armand Robin , Le Libertaire 12/05/1955. Dernier article donné à ce journal, qui cessera sa parution en 1956 à la suite de plusieurs saisies par la police sur fond de guerre d'Algérie.

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