Armand Robin: l'oeuvre libertaire tracts et publications
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LE MANQUE D'ESPRIT DANS LE MAL Vive Lénine ! Vive Staline ! A bas les bourgeois ! Nous avons pu constater l'effet qu'un peu de raison, un peu de sincérité et un peu de propreté peuvent produire au milieu de ce monde littéraire presque entièrement passé pendant cette guerre au service de la bourgeoisie et des pouvoirs d'oppression, glissant au fascisme par l'intermédiaire du nationalisme. Dans un organe dont la plupart des intentions sont louables (avec cette réserve que les prolétaires le rédigeraient infiniment mieux) nous avons lu la réponse des imposteurs bourgeois-fascistes: dix-sept lignes d'une sottise si ahurissante qu'aucun doute n'est possible: l'auteur devrait aller prendre des leçons de bon sens chez les ouvriers et les paysans ou tout au moins s'abstenir d'écrire au sortir d'un repas à mille francs par tête en compagnie de quelque dame millionnaire. Prenons ligne à ligne ce chef-d'oeuvre de stupidité bourgeoise : « Un groupe de soi-disant intellectuels » : Précisément nous sommes exactement ceux dont on peut le moins dire qu'ils sont des intellectuels et tous savent à quel point nous nous tenons à l'écart de ce monde littéraire, où il n'y a que bavardage, légèreté et fausses prétentions; c'était exactement ce qu'il était impossible de nous reprocher; mais faire comprendre cela à un esprit naturellement bourgeois... ... « S'est consacré à lutter contre la poésie de résistance » : erreurs consciemment accumulées. S'il y avait une poésie de résistance en France nous ne lutterions pas contre elle; le malheur est qu'il n'y a pas eu de poésie ni de résistance en France et s'il yen a eu, les revues pétainistes l'ont soigneusement mise sous le boisseau; justement ce que notre manifeste attaquait, c'était la poésie de non-résistance, cette poésie du pétainiste Emmanuel, du philomillionnaire Eluard, de l'opportuniste bourgeois Aragon, cette poésie sans grandeur, sans vie, cette poésie de trahison consacrée à exalter les sentiments les plus réactionnaires, des sentiments dont Barrès lui-même n'eût pas voulu, cette poésie qui suscite unanimement le dégoût de tous les prolétaires et de tous les pauvres types qui souffrent de la sinistre oppression hitlérienne; nous accusons formellement cette poésie d'avoir fait le jeu de l'hitlérisme, dans la mesure exacte où elle ressuscitait les vieux dieux du nationalisme; cette poésie s'est publiée sous la protection avouée de l'ubuesque Pétain, sous la protection tacite des occupants hitlériens; cette poésie a été - et pour cause - accueillie avec des cris d'extase par tout ce que la France comporte de dames snobs, de vieillards à l'abri de la guerre et des déportations, de bourgeois heureux qu'il y eût cette levée de boucliers pour défendre leurs songes contre la montée menaçante des prolétaires. Nous ajoutons que les poètes fascistes français feraient bien de consacrer à apprendre la langue russe le temps qu'ils gaspillent si insolemment à des parties fines (de gueule et de littérature) : ils pourraient alors, deux ou trois fois par semaine, entendre sur la radio russe des poèmes populaires nés de la guerre grandiose et sacrée que l'Union soviétique mène contre l'hitlérisme, et ils verraient que ces poèmes-là, poèmes d'un peuple, sont bien autre chose que des éluardises et des aragonises. ... « Sous le couvert d'un anti-hitlérisme "pacifique" (sic) » : ici l'ignoble bourgeois fasciste s'imagine que personne ne sait lire et qu'il n'y a plus d'esprit critique. Or nous, nous ne vivons pas selon les règles de l'hitlérisme et nous savons que lorsqu'on cite en le mettant entre guillemets et en le faisant suivre d'un sic, cela signifie que le mot en question est cité dans le texte: ces remarques faites, cherchez le mot « pacifique » dans notre texte. Allons, bourgeois, vous rendez-vous compte que vous êtes bêtes de donner ainsi à n'importe qui des armes contre vous, et quelles armes: vous ne pourrez plus paraître que falsificateurs de texte. ... « ils dénoncent nommément » : ici l'ignominie bourgeoise atteint son comble; les remarques suivantes suffiront : 1) nous avons pris soin de transmettre notre texte à un nombre extrêmement réduit de personnes que nous considérions comme sûres et dont nous avons la liste; il est à croire que certains de ces littérateurs bourgeois-fascistes n'ont pas eu à souffrir des moeurs de la Gestapo, sinon ils auraient appris à ne pas se réunir à vingt pour bavarder à tort et à travers: s'il est vrai, comme on nous l'a rapporté, que ces gens ont cru utile de répandre ce texte le plus largement possible à Paris, nous constatons une fois de plus la sagesse du parti communiste et des organisations de résistance qui, pour rien au monde, ne confieraient aucune mission à un littérateur; 2) même si nous avions prévu que ces résidus de la bourgeoisie bavarderaient follement, il n'y aurait pas eu dénonciation puisque nous accusons nos Déroulède actuels de faire admirablement le jeu de Pétain et d'Hitler; autrement dit les envahisseurs nazis n'eussent pas sévi contre nos patriotards français qui les aident en réalité à intégrer la France dans une internationale du chauvinisme (selon l'expression du fasciste Drieu La Rochelle), ils eussent uniquement sévi contre le rédacteur et les cosignataires du tract ; 3) si cet empressement à répandre ce texte a bien existé, comme on le prétend, nous en arrivons à une conclusion simple: ces contre-révolutionnaires espéraient que notre manifeste tomberait entre les mains de la Gestapo, sachant bien que celle-ci sévirait contre nous seuls; leur espoir était d'autant plus fondé que le rédacteur du texte a publié cette année même, de façon ouverte, d'autres textes où plusieurs des expressions les plus caractéristiques de « Un peu de clarté » se retrouvent. Notre conclusion dans ce cas est donc celle-ci : nous accusons formellement et directement ces bourgeois-fascistes d'avoir tenté, avec l'hypocrisie nécessaire, de nous dénoncer à la Gestapo. Il nous serait facile de continuer à commenter le reste de ce texte et de le réfuter avec la plus grande aisance. Mais nous avons autre chose à faire que de nous occuper davantage de ces fantômes. Que ces gens sachent seulement que désormais ils auront au-dessus d'eux des juges et qu'ils ne pourront impunément accomplir leur besogne fasciste. Nous pouvons assurer ces bourgeois bien-pensants que, quoi qu'ils fassent, ce sera toujours très faible et très faux pour la simple raison qu'ils ne représentent dans le monde actuel qu'un petit quarteron de mondains moribonds. Nous les prévenons aussi que, contrairement à ce que leur vanité leur fait croire, aucun homme politique ne fait véritablement attention à eux, et pour cause. A bas les bourgeois! Vive Lénine!
Vive Staline! Vive le règne universel et général des seuls ouvriers et paysans! xt |