L'éternelle
liberté (Mon
Stalingrad) A
l'heure où les si pauvres gens de Stalingrad,
malgré Leurs
grands
songes miséreux tous bafoués, malgré L'offense
à
l'homme en eux saignante, malgré Staline
oeuvrant
ses crimes dans leur chair, malgré Les
leurs
par millions pillés, suppliciés, massacrés, A
l'heure où malgré leur coeur en leur nom trahi
malgré La
honte
en leur nom commise, ces pauvres nous sauvaient, Je
ne
suis pas allé chez les puissants pour les fêter, Chez
les
bourgeois communistes nul ne m'a vu danser ; J'ai
dans
l'ombre écouté les chants des miens avec fierté, Me
disant
que je devais davantage peiner ; Pour
le
combat dans la torture je me suis renouvelé. De
ce
monde de meurtre et de honte je voulais Obtenir
que
tous ils songent à me fusiller; Oh
bonheur
: la canaille politique m'a traqué ! La
canaille
littéraire, voyant un homme vrai Venu
du
peuple, a crié : "Il faut l'exterminer !" Sous
Hitler
j'ai défendu Staline quatre années (Ce
tyran
semblait vaincu: le défendre me plaisait !) Dès
que
Staline fut le puissant, j'ai refusé de le louer, Dès
qu'il
reprit ses airs "tueur", je me suis mis à le
blâmer ; Dès
qu'il
voulut nous commander, exprès j'ai regimbé : Même
un
tyran s'il est victime, je le défendrai ; Même
un
juste, s'il devient dur, contre lui je crierai. Ce
que
sous l'un j'ai fait, sous l'autre je le ferai ; Haï
par
l'un, je veux par l'autre être tué ; Pour
aucun
des tyrans nul de mes cris n'est prêt ; A
tous
les oppresseurs je veux être suspect ; Plus
ils
me saliront, plus, très fier, je sourirai . Je
prends
parti pour ceux qui savent encor pleurer ; Des
millions
d'innocents, humiliés, traqués, suspectés, Torturés,
massacrés,
puis dans leur mort niés, M'ont
fait
ce que je suis, m'ont fait mes cris, M'ont
fait mes jours mes nuits : nul moyen de m'altérer. Ce
texte,
inédit du vivant d'Armand Robin, fait partie de la
veine des Poèmes
Indésirables. Il a été publié pour la 1ère
fois dans Plein Chant, Armand Robin
Multiple et Un, automne 1979. Puis dans Le
Combat Libertaire, ed Jean Paul Rocher, 2009.
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