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Armand Robin: l'oeuvre libertaire

*   Les " Intellectuels " et les changements de gouvernement  *

LES changements de gouvernement ont ceci de bon qu'ils donnent occasion à certains êtres très bas de révéler leur nature. Ainsi quiconque tient à ne pas avoir de déshonorantes fréquentations peut éliminer. Ceci est particulièrement vrai du petit univers des " intellectuels ".
Sans les changements de " ligne " en Russie, saurait-on quoi est Ehrenbourg, quel homme par contre est Boris Pasternak? Sans Vichy, le gaullisme, - puis la suite, aurait-on pu constater que Sartre ne prend parti que pour ceux qu'il préjuge les plus forts; qu'il court au vainqueur successif ? Le passage du gouvernement Laniel au gouvernement suprélaniélesque Mendès-Mitterrand a mis en transes tout ce que le monde des " intellectuels " et des " artistes" compte d'arrivistes, d'impatients, d'aigris, de faiseurs, de rapaces. Le cas de Brassens, douloureux pour nous, est à multiplier par cent. Les professionnels du non-conformisme se sont démasqués amoureux du pouvoir ; le " Canard enchaîné " s'est mis à la disposition du flic Mitterrand.
Nous connaissons très bien les collaborateurs de " l'Express" et de " l'Observateur ". Nous n'aurons pas le cœur de nous moquer d'eux, les choses ayant tourné amèrement pour eux (et d'ailleurs nous distinguons les hommes sincères de " l'Observateur" Stéphane mis à part, des piaffants arrivistes de " l'Express "). Quelle leçon !
Au fur et à mesure que (à l'Est comme à l'Ouest) le régime, assez exactement nommé capitaliste, devient frénétique en ses spasmes de moribond, on dirait qu'il suscite chez les faibles une folie de puissance à n'importe quel prix. Il suffit que tel ou tel, plus impudent, se présente comme étant plus " à gauche " (selon le jargon en cours dans la société bourgeoise), et voilà mille " intellectuels "se ruant vers les places à prendre - places qui d'ailleurs n'existent pas. Ils veulent tirer profit même des râles.
Quand on les connaît de près, on les plaint. Ce sont de pauvres êtres se disputant sur la plus maligne façon de se faire bien voir du maître, qui est le même partout. Ils se retrouvent d'accord en un seul cas: lorsque le prolétariat fait savoir qu'il n'est pas content.
Dans " les bonnes familles ", on est moins sot: on se répartit la besogne; ainsi, chez les Chambrun, le mentalement déficient Gilbert défend les intérêts du clan vis-à-vis du parti soi-disant communiste, tandis que l'oncle, sain d'esprit, s'occupe d'une protection autrement sérieuse de ces mêmes intérêts sous une étiquette " de droite "; les de La Vigerie possèdent comme  meuble de famille un frère anticommuniste, l'ineffable autre frère étant " progressiste " et bientôt décoré; chez les Bourdet, Denise défend la fortune selon les procédés de " la droite classique " tandis que ce brave Claude... (mais paix à celui-ci, il est de bonne foi).
Tout cela est cousu de fil blanc et pas sérieux. Ces gens-là " jouent des cartes ". Ils se ruent sur n'importe quelle idéologie dans le but de s'en servir pour l'assouvissement de leur désir de puissance, ou pour tenter de guérir en eux des ressentiments. Les conséquences n'ont rien d'étonnant pour quiconque a réussi à garder un peu de bon sens: ces malins tombent entre les pattes des maîtres véritables, autrement intelligents, du monde actuel ; ils s'usent, se discréditent, se grignotent les uns les autres en de mesquines querelles. En ce sens la déchéance de Mauriac, sans doute le plus doué d'entre eux, donne froid dans le dos.
Ils courent s'asseoir par terre, sans jamais aucun siège pour accueillir le derrière qui leur sert de tête.

Armand Robin, Le libertaire, 23 décembre 1954

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