Escroquerie du jour Dans ce monde capitaliste en décomposition, où limmoralité est élevée à la hauteur dun principe, le peuple est habitué à être dépouillé des fruits de son travail. Ce nest pas daujourdhui quon lui propose des « solutions » à sa misère, solutions constituant simplement des moyens de le maintenir en servitude. En cet été 1945, la grande panacée universelle à laquelle les ténors de lEglise, de lArmée, de la Politique et du Syndicalisme officiel lui conseillent de sen remettre pour panser ses plaies, trouve sa concrétisation dans les « États Généraux de la renaissance française ». Quelle nouveauté ! Faut-il que nos augures manquent dimagination pour nous sortir des clichés empruntés à lhistoire et qui sont dun autre âge ! Et ces messieurs qui, nen doutons pas, ne souffrent guère de la disette actuelle, de se jeter lanathème entre partisans de la Constitution de 1875 et instigateurs dune Assemblée constituante. Tout cela entre deux séances de la très Consultative Assemblée qui tient ses assises au Palais du Luxembourg et réunit des grands bénéficiaires de la lutte clandestine et héroïque dhier. À grand renfort de presse et de radio, on assure les travailleurs que la IVe République ne commettra pas les erreurs de la IIIe, mais que, par contre, nous entrons dans une phase de rénovation sociale complète. Des institutions nouvelles, disent cyniquement tous ces commerçants de la parole et de lécrit, vont enfin réprimer les abus, limiter les profits, supprimer lindigence. Et les mensonges succèdent aux mensonges. Certes, à une époque où le marché noir est le plus approvisionné, quoi détonnant que le charlatanisme soit, lui aussi, si bien coté ? Une fois de plus, on invite les travailleurs à remettre leur puissance entre les mains dhommes qui, en raison de la promiscuité et de la malhonnêteté qui règnent dans les assemblées de notables auxquelles ils prendront part, sont voués à la corruption. On tente de réfréner les instincts révolutionnaires des masses en les incitant hypocritement à participer à des débats dont le but est déviter un changement profond de la structure économique et sociale actuelle. En usant de semblables procédés, la bourgeoisie est dans son rôle. Elle ne fait que continuer à abuser de la patience dun peuple quelle na jamais cessé de pressurer. Mais que vont faire dans ce replâtrage les grandes organisations ouvrières ? Cest elles qui devraient donner le coup de grâce au capitalisme défaillant ; or, ce sont elles les plus empressées à faire tout ce qui peut lempêcher de seffondrer complètement. Il est cependant réconfortant de constater quune grande partie de la population ne prend pas bien au sérieux la préparation de cette pièce à grand spectacle. La classe ouvrière saura comprendre le rôle de dupe que lon attend delle dans cette escroquerie. Ce nest pas dans des assemblées officielles que le sort des humbles sera changé. Ce nest pas dans le cadre du régime actuel quil est possible de solutionner le problème économique dans le sens de la justice. Cest par la disparition pure et simple du régime actuel que la solution peut être envisagée ; par la disparition du patronat et de lÉtat ; par linstauration dun fédéralisme respectueux de la liberté. Ce ne sont pas des « États Généraux » ou de toute autre assemblée similaire que lon peut attendre de si grandes choses, mais de la destruction du régime ignoble qui réduit à lesclavage social et économique des millions de salariés. Cest seulement par la révolution sociale quun tel bouleversement se réalisera. Cest au peuple, et rien quau peuple, quil appartient de régler son propre sort ! Et cest à lui quil revient de passer à laction en ne se contentant plus de vagues revendications immédiates. À toutes les assemblées officielles qui ralentissent la marche en avant de lhumanité, une seule arme peut être opposée : la Révolution Sociale. Le Libertaire, N°7, juillet 1945. Peut-être
le 1er article d'Armand Robin au Libertaire. |