LETTRE INDÉSIRABLE N° 43 ADRESSÉE A PIERRE SEGHERS

Paris, le 16 septembre 1947

Fils de bourgeois sans talent,

Je prépare actuellement une édition des "lettres indésirables" que, mû par un ardent antipatriotisme, j'adressai ces dernières années à tous les écrivains que le fascisme, le capitalisme, le nazisme, la "résistance littéraire" et autres entreprises criminelles séduisaient.
J'y reproduirai intégralement l'attaque que vous fîtes paraître contre moi en 1943 dans votre revue "de résistance" si bien soutenue par tous les services de Vichy.
Ainsi l'avenir, qui certainement oubliera votre publication, aura-t-il à sa disposition grâce à moi un témoignage de la haine que les réactionnaires, les fascistes me vouèrent.
Cependant je voudrais faire mieux et je compte sur les réactions naturelles que vous inspire votre médiocrité et votre infamie pour obtenir de vous que, de nouveau, en 1947, vous m'attaquiez; mon livre s'enrichirait d'un document de prix.
Cette lettre sera imprimée dans l'édition des "lettres indésirables".
Dans quelques dix années vous devrez me remercier : sans moi, on vous aurait oublié; grâce à un homme venu du peuple et resté fidèle au peuple, on se souviendra de vous, je vous le garantis.
J'irai peut-être vous rendre visite, avec quelques camarades de la classe ouvrière, un de ces prochains jours; nous vous demanderons très poliment, sans aucune violence, quelques explications sur votre conduite de bourgeois fasciste ; très simplement, nous voudrions avoir des éclaircissements sur le complexe antiprolétarien qui vous anime et qui explique que vous vous soyez mis (ainsi que votre publication en porte la preuve) à la solde de Vichy.

Donc à bientôt, bourgeois infect.

Armand ROBIN, 50 rue Falguière, Paris XVe

Ce texte, inédit du vivant d'Armand Robin, a été recueilli dans son appartement après sa mort. Il a été publié pour la 1ère fois dans Plein-Chant, Armand Robin multiple et un, automne 1979. Il figure aujourd'hui dans Ecrits Oubliés I.

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