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Armand Robin
1912 - 1961 : éphéméride

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- 1943  -

janvier *** sans date précise : 1943, 44, 45 : AR Soigné pour une pneumonie par le Dr Yves Marie Balc'h, qui se souvient que c'était rue Falguière.

*** : pendant à peu près toute l'année 1943, au moins, AR fréquente le groupe des surréalistes  autour de Noël Arnaud et La main à plume. Il y a   peut-être été introduit par Paul Eluard, surréaliste de toujours, exclu en 1938, mais réintégré en 1942, et qui avait des liens étroits avec Jacqueline Allan-Dastros. Par exemple il a été son témoin de mariage. Et au moment de la brouille dans le ménage, il prend son parti. Eluard sera à nouveau exclu le 2 mai 1943, suivi de son ami Georges Hugnet, à la grande joie d'AR. Le groupe surréaliste La Main à plume a pris la relève d'André Breton, parti aux USA le temps de la guerre. On y trouve essentiellement des personnalités d'obédience trotskiste et/ou anarchiste. Plusieurs, partisans de l'action, sont aussi proches du Parti Communiste, auquel une majorité adhérera à la Libération. Ce sont tous les résistants actifs, et plusieurs en paieront le prix.  Jacqueline Allan-Dastros sera intégrée officiellement au groupe le 1er juillet 1943, mais ne semble pas y avoir joué un rôle marquant. Trop indépendant, Armand Robin n'en fera jamais partie officiellement.
Le plus gros des renseignements concernant la main à plume provient de l'Histoire du surréalisme sous l'occupation de Michel Fauré, éditions La Table Ronde, 1982.

1: nrf : Pasternak, l'avènement du visage, traduction + un poème de Jacqueline Allan-Dastros, à la ville, Madame Robin.

5 : visite à Jean Paulhan à la nrf.

*** : visite de Marcel Laurent, qui révèle qu'il a publié quelques articles sur A. R. et la poésie poignante dans divers journaux. (L'union française ou le Pays Libre ? )

février 1 : nrf : Trois poètes russes (Essénine, Maiakovski, Pasternak), présentation... qui sera reprise avec modifications pour Quatre poètes russes, mais aux Editions du Seuil, avec adjonction d'A Blok. L'existence de cette préface publiée à la NRF sonne comme une annonce de publication chez Gallimard. Robin en décidera autrement, conséquence non de la liste noire mais de la crise de juillet-août à suivre.

6: Comoedia : Témoignage sur la poésie : réponses à une enquête de la revue : Je dois avouer que mes poèmes ont une qualité, une seule : c'est qu'ils sont poignants, mais cela je le dois à tant d'autres : j'ai eu la chnace d'être né dans le peuple, d'avoir entendu de simples gens improviser sans en avoir conscience des chants épiques authentiques comme du granit....
J'ai conçu l'ambition d'être habité par le plus grand nombre possible d'autres hommes....

13 : Comoedia : Paul Valéry : note de lecture

15 : L'hebdomadaire autorisé par l'occupant Toute la Vie - équivalent de Paris-Match aujourd'hui - publie un article sur "la jeune poésie", signé Yves Bonnat. Sont cités entre autres : Fargue, Audiberti, Ganzo, Follain,  Guillevic, Fombeure, Tardieu, Sartre, Emmanuel, Bachelard, Leiris, Paulhan, Béalu, Roy... Bref  surtout des poètes bien installés fréquentant la meilleure société, photos à l'appui. On y trouve aussi Jean Lescure (directeur de la revue concurente Messages qui a été très proche de la main à plume) et... Armand Robin, "fonctionnaire au ministère de l'information" ! Les réactions du groupe surréaliste sont très vives, notamment en direction des plus marqués de ces "jeunes poètes"; Armand Robin n'est pas visé, mais  il n'est pas impossible que cette polémique et notamment son positionnement supposé parmi les poètes de salons ait pu l'influencer  dans sa future décision de rupture avec ce milieu trop bien pensant.

17 : lettre à Jean Bouhier : a peu écrit cet hiver, et lui envoie un poème d'un vieux poète arabe Imrulquais, l'un des sommets de la poésie mondiale, totalement inconnu en France, traduction faite l'année précédente. Demande qu'on lui envoie les épreuves à corriger en cas de problème de contre-sens car il passe l'examen d'arabe aux langues O. L'envoi est fait sous enveloppe et en-tête du Ministère de l'information, où il écoute les émissions en langues étrangères.

mars 1 : Achim Von Arnim : Mrs Lee, longue traduction et dernier article donné à la nrf pendant la guerre. La rupture est déjà en chemin.

15 : renvoi des épreuves d'Imrulquais à Jean Bouhier, après 10 jours de correction serrée; va lui faire envoyer un exemplaire du Temps qu'il fait. Il annonce aussi que Jacqueline va lui envoyer ses poèmes. Bouhier lui demandant de l'aide, il lui révèle son rythme de vie : je travaille matériellement 14h par jour; sur les 10h qui restent, j'en consacre 3 au sommeil et 4 à mon oeuvre personnelle : toute sortie, quelle qu'elle soit, se trouve supprimée. Il faut bien que la carcasse esprit rende et ne dise rien.

17 : lettre à Jean Paulhan : Lui transmet les quelques bulletins d'information promis avec consignes pour la diffusion et la récupération : Je vous demanderais de ne pas trop les faire circuler. Si vous pouviez les remettre sous enveloppe lundi prochain: je passerais les prendre mardi matin. Vous verrez de quoi je régale Laval tous les matins. Armand Robin connaissant l'engagement de Paulhan dans la Résistance, il s'agit évidemment de transmission clandestine d'informations avec tous les risques que cela suppose. Il justifie aussi le fait qu'on ne le voit plus : les horaires des radios m'interdisent pratiquement de sortir. Propose de faire voir le mot à mot des 5 chapitres du roman chinois qu'il est en train de traduire aux langues O.

22 : doit passer à la nrf pour récupérer ses bulletins d'écoute.

avril 10 : Les Cahiers de l'Ecole de Rochefort publient Imrulquais, 8 pages, qui seront reprises dans Poésie Non Traduite.

13 : Après une probable nouvelle transmission de bulletins d'information, lettre à Jean Paulhan pour les récupérer en main propre.

15 : doit passer à la nrf vers 18h30, pour la récupération des bulletins.

18 : lettre à Jean Bouhier pour le remercier de l'édition d'Imrulquais. A fait paraître dans Comoedia une petite note sur l'école de Rochefort. Transmet un message personnel (sans doute codé) paru sur Radio-Alger pour Mme Julia, hôpital de Rochefort-sur-Loire: elle est priée d'avertir les parents du petit Rolland que toute la famille d'Algérie va bien.

25 : 9h10 à 9h30 : Pâques, fête de la joie, émission de radio, est diffusée sur les antennes des postes d'Etat de la radiodiffusion nationale, avec la distribution prestigieuse suivante : Juliette Faber, Gisèle Parry, Louise Conte, Jean Dessaily, Jacques Dacqmine, François Perrier et Roger Blanc. Le texte est d'Armand Robin; le montage musical et la mise en ondes de A.C. Gervais. Le tout sous la direction de Pierre Sabatier et Jean Renon, "rédacteur en chef de radio-jeunesse", en fait et en clair, représentant du ministère de la propagande. Au nez et à la barbe de ce fonctionnaire zélé, Robin utilise tous les symboles du renouveau de la nature et de la religion chrétienne pour faire entendre son message : la fin de la guerre est proche ! terre qui se réveille et renaît au printemps après la mort de l'hiver, trompettes de Jéricho et de la résurrection, passion du Christ puis apparition en pleine gloire; les cris des oiseaux se mêlent aux cris des peuples... le christ apparaîtra lorsque les coeurs auront dépassé l'hiver, la guerre....
Daté de Noël 1943, le texte sera édité par le Commissariat Général à la Jeunesse, avec 4 autres émissions de radio d'André Fraigneau et Maurice Audin, sous le titre Cinq Célébrations radiophoniques. Sortie le 15/02/1944.

mai Ecrit Romantisme, Symbolisme, Surréalisme, qui paraîtra dans Comoedia en septembre.
Commence à apprendre le finnois.

2 : Paul Eluard est exclu du groupe la main à plume. S'en suivront toute une série de tracts et d'affaires auxquels AR va être mêlé, et il ne sera pas le dernier à y mettre son grain de sel.

21 : lettre à Marcel Laurent, qui lui a écrit, et à qui il a tardé à répondre se justifiant par son travail et ses examens futurs : chinois, arabe littéral et finnois. Projet de rencontre en juillet.

22 : Comoedia : Achim Von Arnim : les folies de l'invalide sur le fort Ratonneau, traduction.

juin Sur fond de bruits de débarquement allié, la nrf sort son dernier numéro.

Passe avec succès ses examens de Finnois (1ère année), 16/20, mention Bien; Arabe littéral (1ère année), 12/20, mention Assez Bien; Chinois (2e année), 12/20, mention assez Bien; et démarre le Hongrois en commençant à traduire André Ady.

Envoie une lettre provocatrice à Mme Irja Spira, répétitrice aux langues O et traductrice du Finnois, ambassade de Finlande : "collaborationniste à outrance". Voir la suite en octobre.

juin-juillet : Jean Simonpoli, qui appartient au collectif la Main à Plume fait part à Noël Arnaud du désir d'AR de le rencontrer. La rencontre aura  lieu. Elle va déboucher sur le tract Un peu de clarté, signé "un groupe de poètes" et rédigé par AR avec l'appui de quelques membres de la main à plume.  Le tract est validé par le groupe, mais non sans réserve : trop révolutionnaire, trop anti-tout,  peu clair dans ses lignes directrices et risquant de provoquer des scissions... Il est sans doute le premier en date de toute une série diffusée de la main à la main, prélude aux Lettres Indésirables et même aux Poèmes Indésirables. Il dénoncera les agissements de CNE (Comité National des Ecrivains), créé par Jean Paulhan, Jacques Decour pour le parti communiste, Aragon, Eluard pas assez vrai communiste à son goût etc....

juillet vers le 13 : Nouveau tract d'AR, non signé, toujours au nom de la main à plume : le manque d'esprit dans le mal, avec une copie pour Jean Paulhan, comme pour le précédent.
Parrallèlement Armand Robin prend des contacts avec divers membres de la main à plume pour la création d'un journal. Il s'intitulerait Les Lettres Révolutionnaires. Il s'agirait de faire pendant aux Lettres Françaises, journal du Front National (résistance), puis du CNE. Mais le projet ne se fera pas : trop de divergences entre Robin et la main à plume. En octobre AR sollicitera Jean Guéhenno. Même échec.

4 : lettre à Jean Bouhier pour le remercier d'un envoi de poèmes; annonce un séjour d'une semaine en Bretagne; puis un séjour de quelques jours dans la Nièvre où Jacqueline restera pour 2 mois. S'il a eu lieu, le séjour aura forcément été plus bref que prévu, puisque Jacqueline vivra la surveillance allemande infligée à son mari en août.

 fin du mois : début la grande crise qui va modifier définitivement la vie d'Armand Robin. Les deux mois qui suivent sont particulièrement confus à analyser : beaucoup d'événements non datés ou datés de manière approximative quelquefois plusieurs années après les faits. Difficile de faire la part du réel, du sincère et de la provocation, voire de la vantardise ou des propos de comptoir... Ne seront notés que les événements pour lesquels il y a des traces matérielles, quitte à constater les contradictions ou les invraisemblances. Quoi qu'il en soit en cours de mois, Marcel Laurent vient  voir son ami à Paris, y compris au ministère, et ne remarque rien de particulier.

A dû quitter le ministère, d'après une lettre à Eluard de fin 1944. Dans d'autres il continue son travail au ministère mais en se laissant aller à des provocations. S'ensuit une période trouble où il aurait été surveillé / menacé par la gestapo. Robin parle même de mandat d'arrêt.

Pour mémoire : publication aux "éditions de minuit clandestines" de L'honneur des poètes, recueil de poésies clandestines de la résistance, Eluard, Aragon, etc,   avec des pseudonymes.

août  fin juillet / début août : provocation directe anti-Laval au ministère: J'avais fait connaître à Laval ce que je pensais de lui et lui avais écrit que si j'avais absolument à le voir, du moins je ne lui serrerais pas les mains. (lettre ultérieure à Jean Paulhan)

 6 : Imprudence et provocation jusqu'à l'extrême limite, démarche de Von Schleier et dénonciations, AR dixit.

 7 : AR est convoqué par Laval. Il passe d'abord entre les mains d'un de ses secrétaires, Villiers-Terrage, qui lui révèle que ses collaborateurs ont tout fait pour le sauver, mais que Laval est furieux, avant de lui glisser : Tâchez d'être gentil avec lui. Sonné, AR renonce ce jour-là à dire son fait à Laval. Plus tard, il reconnaîtra que Laval l'a sauvé.

 23: Lettre de Paul Eluard, alors à Poitiers, à Jean Paulhan : Oui, Un peu de clarté me donne à penser le pire. AR, que je me refusais à suspecter, s'y dévoile. Cela vaut mieux.

 Fin août : rencontre à la nrf avec Jean Paulhan : AR lui annonce qu'il a décidé de rompre définitivement avec les milieux littéraires (et donc Gallimard) et bourgeois. Jean Paulhan minimise, met cette décision sur les difficultés relationnelles actuelles de Robin au ministère, bref il cherche à gagner du temps.

 Fin août (sans date) : lettre à Jean Paulhan: écriture hachée, nerveuse, avec beaucoup de ratures, comme toutes les lettres qui vont suivre jusqu'à fin septembre au moins: déclare avoir été en quarantaine au ministère et l'avoir mal supporté et avoir été sous le coup d'un mandat d'arrêt. Annonce sa décision : j'ai décidé de rompre absolument tout dernier lien avec la bourgeoisie et avec tout ce qui y peut me servir, (sauf évidemment pour gagner mon pain et celui de ma femme). J'ai honte d'avoir vécu presque 10 ans de ma vie dans une maison des morts, je veux dire dans un monde où on m'a offert aux dépens de l'âme des commodités, voire de la célébrité, si j'en voulais. J'ai été un être pitoyable et ce n'est que peu à peu que j'ai compris où je m'étais fourvoyé. Paulhan, comprenez-vous, après tant de compromissions avec le monde capitaliste, je voudrais travailler obscur et fort. Ces derniers deux ans, par faiblesse envers ma nouvelle famille, il m'est même arrivé de vendre de la pensée contre de l'argent. J'ai accepté de vendre mon âme pendant des années.
A dû laisser à Jean Paulhan un tract "contre les gens et les choses communistes", sans doute celui qui s'intitule un peu de clarté.

 Fin août : lettre à Jean Paulhan avec le tract Le manque d'esprit dans le mal. Confirme l'envoi du tract Un peu de clarté et ses regrets de n'avoir pas rompu plus tôt avec la bourgeoisie. Fait mention d'un accord entre Russes et des militaires allemands en vue d'un cessez-le-feu sur le front est, accord dont il entrevoit la conséquence inévitable : Hitler et le capitalisme anglo-américain devront renoncer à l'espoir d'empêcher l'Europe de devenir enfin communiste.
Le tract est une critique en règle de la réponse du CNE malheureusement perdue elle aussi.
A partir de là, les formules Cher Jean ou Cher Paulhan disparaissent (les dates aussi le plus souvent !) au profit d'un Paulhan plutôt sec... lorsque la lettre ne commence pas directement dans le vif du sujet, ou ne contient qu'un tract sans même un mot de présentation.

30 : Sous le coup d'un mandat d'arrêt, AR est prévenu de devoir quitter son domicile, puis sauvé par une intervention mystérieuse mais efficace :    Le 30 août 1943, quelqu'un qui est de vos amis me fit avertir à 7h du soir que je devais quitter immédiatement le domicile [illisible] où j'étais justement en train de lire Marx: je me délectais au savoir-faire de cet auteur et j'aurais quitté ce délice sous prétexte que la gestapo un peu avant l'aube viendrait m'arrêter? Cette fois-là aussi je fus désobéissant et j'en fus récompensé : l'un de vos actuels favoris, grâce à des relations (que je n'avais pas moi-même, et pour cause !) put dans ces quelques heures faire supprimer le mandat d'arrêt; je pus ainsi vivre bienheureusement toute une nuit dans Marx à une époque où les Marxistes ne l'avaient pas encore rendu insupportable. Lettre de type indésirable en date du 7 juillet 1946 : envoi des Poèmes d'Ady aux membres du Comité National des Ecrivains.

septembre 1er : Tract envoyé à Jean Paulhan: Armand Robin fonde un prix littéraire anticapitaliste avec ses droits d'auteurs Gallimard, soit 6000 francs... en réponse au prix Gallimard de 100000 créé en août !

4 : lettre à Francis Berthou, ancien condisciple de Campostal, non signée par sécurité : confirme les 5 semaines sous la  surveillance étroite de la gestapo, avec un mandat d'arrêt et une condamnation à mort en attente chez les SS. Déclare qu'il n'est plus surveillé depuis le 31 août et annonce la fin de la guerre.

6 : Lettre à Jean Paulhan qui confirme ses propos et décision de la lettre d'août citée ci-dessus : Mes idées politiques ne sont ni naïves, ni légères ; j'ai beaucoup plus de données que bien des gens ; si elles paraissent naïves et légères, c'est que tout simplement, les exposant dans un milieu littéraire, je ne peux les exposer sérieusement, le moindre élément réel de la situation à l'étranger y étant inconnu. Ces idées sont très claires, de plus en plus : c'est le communisme total (inutile de répéter les termes de mon tract). Ces idées, je les ai toujours eues (il vous suffirait d'interroger le premier venu de mes camarades de classe) ; cependant, à partir de 1936, mes premiers succès littéraires me conduisirent à des fléchissements dont j'ai honte maintenant ; pendant quelques années, très exactement jusqu'à ces temps derniers, je trouvais très normal de jouer le jeu littéraire tel que la bourgeoisie l'a créé ; puis cela m'est devenu impossible et je n'accepte plus de moi cette trahison. Quand vous mobilisez contre moi une déclaration, de Carcassonne, vous ne jouez pas franc-jeu, Paulhan : vous savez bien qu'à ce moment, j'étais tout à ma joie de voir sombrer le chauvinisme français et que d'ailleurs l'U.R.S.S. n'étant pas encore en cause, toute cette histoire me paraissait frivole. J'aurais beau jeu moi aussi à mobiliser les propos que tint alors devant moi Eluard et d'autres, mais vraiment cela me paraît sans importance. [...]

Je pouvais vivre selon les conformismes successifs, écrire d'élégants poèmes pseudo-révolutionnaires avec la famine, la souffrance et les tortures des autres ; je pouvais continuer à fréquenter les salons, les familles convenablement notées par les milieux littéraires, etc. ; non, non et non ! Je refuse cet esclavage, je ne veux plus de cette trahison que j'ai trop longtemps supportée. Je me moque bien que toutes les portes se soient fermées, qu'on organise contre moi une quarantaine parce que je songe enfin à être une voix vraie ; je me moque de tous les succès qu'on m'offrait et qu'on peut me retirer. J'ai depuis deux ans d'ailleurs l'habitude d'une lutte quotidienne à ce ministère odieux. Je me moque même aujourd'hui que la Gestapo me mette en prison. Je suis las archilas d'un monde de mensonge, d'un monde, où, comme vous dites on ne peut plus être propre qu'en mettant contre soi toutes les apparences.
On reconnaît nettement là-dedans les idées libertaires que Robin reconnaît avoir toujours eues. Elles soutiendront désormais nettement ses prises de position et ses actes, notamment les Lettres Indésirables.
Joint à la lettre un article sur Paul Eluard, resté inédit du vivant de l'auteur et qui sera publié seulement en 1979 dans Plein Chant. Lecture ici.

Lettre sans date à Jean Paulhan, écriture normale, en-tête = Paulhan : commence par s'excuser des accusations de faire circuler des bruits qu'il a attribuées à son ami, mais maintient son refus de continuer la collaboration avec Gallimard, a trouvé un ton nouveau pour ses poèmes, une voix que je ne sentais pas compromise, et s'est découvert ayant écrit la matière d'un recueil de poèmes (impubliables en ce moment) : Les Poèmes Indésirables ou les fragments qui resteront inédits ? Il est clair donc que ce n'est pas la décision du CNE de le mettre sur la liste noire (octobre 1944, soit un an plus tard) lui interdisant de publier qui provoque sa rupture avec les milieux littéraires et son adhésion à la fédération anarchiste. C'est bien le contraire !
A commencé l'étude du Hongrois et envoie un poème d'André Ady. Vit un nouveau bonheur avec Jacqueline depuis qu'il est sous surveillance allemande, ce qui suppose qu'elle ait été présente durant cette période alors qu'elle devait séjourner dans la Nièvre.

18 : Comoedia : Romantisme, Symbolisme et Surréalisme

octobre Lettre sans date à Jean Paulhan, écriture normale, apaisée, semble-t-il, en-tête= Paulhan : s'explique sur son attitude au ministère: faisait devant tous de la propagande révolutionnaire; il a donc fini par être dénoncé par écrit comme agent de l'Angleterre ou du Guepeou. Laval, seul, l'aurait défendu. Il craint aussi d'être dénoncé à la gestapo par Irja Spira, à qui il a envoyé une lettre pour la faire réfléchir sur son côté collaborationniste, et la dame a manifesté son intention de se venger. AR demande à Jean Paulhan de lui parler étant donné qu'elle fréquente la nrf en tant que traductrice du finnois.
Révèle que le ministère lui a signifié son congé, "après deux demandes de l'ambassade d'Allemagne".
Propose un article de Bir Hakeim, journal gaulliste clandestin, à Jean Paulhan, avant de se raviser: vous bavardez trop.

5 : Lettre Indésirable N°1 adressée à la Gestapo : sans doute la plus célèbre des Lettres Indésirables. Fort de ses écoutes radiophoniques, AR y dénonce les agissements de la Gestapo et de l'armée allemande en Europe : chambres à gaz motorisées sur le front russe, massacres en Pologne, avant de clamer sa sympathie pour le travailleur allemand, y compris quand il porte un uniforme. Texte complet de cette lettre ici.

6 : fait divers : tract de La main à plume diffusé entre autres à Jean Paulhan : il relate une correction infligée à Georges Hugnet par Noël Arnaud pour des propos jugés diffamatoires envers le groupe surréaliste.

Longue lettre sans date à Jean Paulhan, sans en-tête, mais d'une écriture presque normale : AR lui reproche ses "bavardages" et déclarations à son sujet. Il revient sur leur rencontre à la nrf de fin août, et lui reproche de ne pas l'avoir cru quand il a annoncé sa rupture. Enfin il suggère de ne plus se voir ni s'écrire. La rupture est donc consommée pour ne pas alimenter davantage l'animosité. Enfin, et c'est plus surprenant, AR dit son admiration pour le poème Musée Grévin de François-la-Colère, pseudonyme d'Aragon, publié clandestinement et diffusé par tract suivant la technique du temps : il est vraiment beau, mais cela ne change pas notre devoir qui est de s'opposer à ce patriotisme. Le point de vue libertaire est très net.

9 : Jean Guéhenno : Journal des années noires : "ce matin le téléphone me réveille. C'est un jeune fou qui sans souci de la table d'écoute me crie ses projets : il veut me voir le plus tôt possible, fonder une revue internationaliste qui se moque de la censure allemande. Et sa frénésie me fait mieux connaître mon désespoir".  D'après F Morvan, le "jeune fou" n'est autre qu'AR., La Fausse Parole, P 146.

novembre 7 : Lettre à G. Gallimard (en contradiction avec la suivante ?) pour proposer des traductions d'André Ady. Projet qui sera accepté, semble-t-il plus tard, mais qui ne verra jamais le jour: C'est AR qui le refusera au profit des Editions Anarchistes.

8 : lettre de rupture à Jean Paulhan. Partant des ragots que l'on continue à diffuser sur son compte dans le bureau même de Paulhan, et l'accusant d'être à la source de certains bruits, AR lui annonce qu'il ne lui serrera plus la main, qu'il retire à la nrf tous les projets de publication en cours : Arnim, Goethe, Lao-Tseu, Tcheng-Tseu et qu'il subordonne son retour au désembourgeoisement des éditions. La rupture semble définitive. Un semblant de retour à la normale s'amorcera en fin 1944. Mais le Cher Paulhan ne reviendra qu'en 1945.

décembre

Noël : date de copyright de Cinq Célébrations radiophoniques, André Fraigneau, Armand Robin, Maurice Audin. La sortie officielle sera datée du 15/02/1944.

AR traduit Tou Fou, continue à traduire André Ady, et écrit les premiers jets de ce qui deviendra Les Poèmes Indésirables, qu'il diffuse à ses correspondants.

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*** Les événements ainsi marqués, quoique authentiques, ne peuvent être datés de manière très précise. Ils figurent en tête de l'année ou du mois.
Dernière révision 10/05/2020

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