Roger BREUIL : La
Galopine Gallimard
Les personnages de Breuil, sa « Galopine » surtout, intriguent par
leur mystérieuse nullité ; les Leveu sont quatre à se sentir uniques, alors qu'ils sont
simplement seuls. Ils découvrent l'un après l'autre qu'il leur faut aller au-delà
d'eux-mêmes pour continuer à se justifier vis-à-vis de leur propre destin.
Mais l'euvre, en suivant leur errance déchirante et banale,
s'assure à grand' peine son unité; elle est faite de la rencontre de plusieurs hasards
venus de tous les coins du monde; ces vagabonds casaniers sont trop médiocres pour que le
meilleur puisse se passer en eux ; à peine s'il se pose en eux ; leur vie se forme
difficilement, n'aboutit qu'à la grisaille; l'essentiel naît près d'eux ou plus loin
qu'eux; ils commencent rarement leur vraie histoire ; aussi leurs gestes, leurs paroles ne
livrent-ils rien d'attachant. - Le récit humain perd son équilibre au profit de l'idéal
qui va surgir ; d'une matière digne de l'art, R. Breuil n'a pu ainsi tirer qu'une
uvre peu décisive. |
Tel qu'il
se présente, accablé par ses héros, ce roman témoigne d'une expérience assez ample
pour donner confiance ; la synthèse manque, mais non l'envergure. Le plus curieux est,
semble-t-il, que le livre, laisserait une plus forte impression, s'il se proposait en
fragments détachés. Certains épisodes sont autant d'excellentes nouvelles ; peut-être
étaient-ils les seuls nécessaires. - D'ailleurs, le ton de la phrase, volontiers court
et nerveux, conviendrait sans doute davantage au désenchantement d'un art bref et brusque
; la technique du roman de R. Breuil joue sur une matière réduite, tandis que le récit
joue sur une matière longue : l'histoire d'une famille. R. Breuil a conquis l'essentiel :
ce n'est pas assez. |