SOUVENIR D'UN IMMENSE MORT
A la mémoire de Jean Jaurès
Venez, vous qui vraiment souffrez,
Qu'à vous mon coeur se fasse entendre,
Mon coeur, muets battements maudissants,
Qui voudrait remplacer un héros tué.
Écartons les guenilles de l'homme d'à présent,
Comptons ses conditions de tristesse, d'asservissement,
Soyons des amoureux d'un amour de fous
Pour lui, malgré ses fautes de fou.
Plus de cent sont les raisons du Hongrois
De proclamer partout tendre frère cet homme-là,
Plus de cent sont les deuils quand ce bras-là
En défendant la paix s'abat.
Mon coeur me fait bien mal, mon message est bien pesant,
Je ne vais pas pouvoir tout vous dire complètement,
Mais un immense mort, un frère assassiné
Dedans ma vie vit, semblable au Juste de la Pensée.
Les temps pesants détruisent les meilleurs
Dans le tendre coeur des faibles compagnons,
Mais ils demeurent, ceux-là qui face au temps
Restent droits, se chargent du Droit.
Venez, vous qui vraiment souffrez,
Qu'à vous mon coeur se fasse entendre,
Mon coeur, muets battements maudissants,
Écoutez-le maudire et bien fort maudissez.