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Armand Robin: l'oeuvre libertaire

*   André Ady, éditions anarchistes, 1946  *

HOMME DANS LA NON-HUMANITÉ

Mon coeur, la crosse d'un fusil l'a broyé,
Mes yeux, mille terreurs les ont charcutés,
Sur ma hautaine gorge s'est juché un djinn muet,
Sur mon cerveau la Démence a cogné.

Maintenant, malgré tout, lève-toi, ma force,
Une nouvelle fois soulève-toi de dessus la Terre.
Fait-il point du jour, ou bien minuit d'enfer ?
Pas d'importance, ne songe qu'à t'élever, par tout danger
Ainsi qu'il y a longtemps, longtemps tu le faisais.

Moi, l'altier Hongrois, cent cieux, cent enfers jamais
N'ont su me donner ces plus belles beautés :
L'humanité dans la non-humanité,
La magyarité dans la magyarité persécutée,
La vie-nouveauté, dans la mort mort révoltée.

Sur une grand'route foulée d'atrocités,
Sur la cime qu'encore une fois veut ma volonté,
Je traverse en transe la ligne des horreurs :
Oh quelle détresse échoit au Hongrois
Et comme Dieu est défaillant quelquefois.

Or il faut en ce moment qu'il vive, un mort si mort,
Un souffrant si véritablement souffrant,
Un mi-vivant avec son coeur ravagé vivotant.
Dedans son coeur en loques bâtissant un cantonnement
Pour un très grand trésor menacé de brigands
Et croyant qu'il préserve un plus bel  antan.

Vous, tous les endeuillements, oh je vous comprends,
Vous, tous les avenirs, oh pour vous la peur me prend
(Tant pis  si  pour un mort resurgi c'est malséant)
J'ai tant pitié de mon espèce sauve-qui-peut s'ensauvant.

S'échappant hors mon coeur malmené,
Me survint souvenance, me revint ressouvenance :
Mon coeur, la crosse d'un fusil l'avait broyé,
Mes yeux, mille terreurs les avaient charcutés,
Sur ma hautaine gorge un djinn muet s'était juché,
Sur mon cerveau la Démence avait cogné.

Et de nouveau, je vis, pour les autres je crie :
HOMME DANS LA NON-HUMANITE.

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