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Armand Robin : la poésie personnelle
Le Cycle Séverin
(1957)

                   Avant leur édition en volume au Temps qu'il fait (1981), (précédés de La Restaurantière), ces poèmes sont parus dans la NNRF en décembre 1957. Ils ne figurent plus aujourd'hui au catalogue d'aucun éditeur. D'où leur publication intégrale ici.

Datant d'une époque nettement plus récente et n'obéissant pas à une même esthétique, ils n'avaient pas leur place dans Fragments.

Plusieurs ont fait l'objet d'une publication au moins partielle dans Le Monde d'une Voix.

livre.gif (4396 octets)  TORTUE

Le ministre de l'Intérieur est à l'intérieur;
Il met craintivement sa tête à l'extérieur.

Il mesure des abîmes d'un demi-centimètre,
Recule en reniflant si l'abîme est d'un centimètre.

Oeil exigu, patte patiente, il observe son maître;
Museau mobile, il étudie : " Mais que fait donc mon maître ? "

On le voit tout un jour autour d'une poussière;
C'est qu'il en examine avec scrupule le mystère.

Il ne bouge guère, mais sans cesse il s'affaire,
Car tout pour lui est une grosse affaire :

Le bruissement que fait le poussement d'une herbe,
Le sans mot sentencieux d'un caillou trop superbe.

Il est humile, sans rival seigneurialement humile :
Il flaire de son haut le terre à terre, museau mobile.

Il cherche, cherche, cherche, veut goûter d'un secret;
Il cherche pour chercher, pour chercher créerait un secret.

De temps en temps, cela le prend, il entreprend de s'échapper
(Et, quand je dis s'échapper, cela veut dire s'échapper).

Il galope lentement de plante en plante,
Vise le paradis de la septième plante.

Il ne s'échappe pas, car ni la tortue ni le ministre de l'Intérieur
Ni nous, nul de nous, ne pouvons être à l'extérieur.

livre.gif (4396 octets)  PIVERTS

Piverts, oiseaux verticaux, creusant votre gîte
Par le bois le plus dur parce que vous cherchez une nourriture,
Visant un vermisseau, trouvant un logis
Dont aussitôt vous ne voulez plus, oh ! piverts
Ce printemps de labeur pour n'avoir ni l'été, ni l'automne, ni l'hiver !

La saison de moisson ne vous est pas donnée,
La saison de raison ne vous est pas donnée,
La saison des maisons ne vous est pas donnée.
La maison des saisons est pour vous sans moisson;
Le don de moisson, de raison, de maison, n'est pas votre don.

Et toujours, par bois très dur, vous creusez, vous creusez.

J'interdis la publication de ce texte à la NRF, cette revue ayant publié des textes du fasciste Guillevic et du fasciste Claude Roy. (Note d'Armand Robin sur le manuscrit)

Ce texte a été expédié à Jean Paulhan sous le titre "3e cycle du pivert". Il devait être le premier de cette série.



livre.gif (4396 octets)  COQS HAUTS SUR COTEAUX

Oh ! coqs ! je vais vous dire quelque chose
Tous vos jours chaque matin vous dites la même chose.

A vous entendre, sept en tout, sur ces collines séverines,
Vous auriez sous vos ergots courbé ces collines.

Non, coqs ! Les vents plus que vous ont construit ces coteaux,
Les nuages plus que vous ont mis contours sur ces coteaux,
Oh ! coqs, eux sans un mot !

Oh ! coqs ! pour nous dire votre morne même chose
Vous vous mettez à sept et vous vous renvoyez la chose.

Vous pensez que vous aidez le soleil à se lever,
Vous pensez que vous aidez le poète à s'éveiller;

La vache, d'après vous, est par vous patience, lait, bonté;
Par vos caquets tout bourg coquet courtiserait un sanglier.

Non, coqs ! Coqs, peu de mots :

La vache vachement est la bonté qu'elle est;
Le soleil soleilleusement est le soleil qu'il paraît.

Les coteaux sont coteaux sans s'amollir d'ergots,
Ils sont coteaux parce qu'ils sont coteaux.

Les poètes, oh ! coqs ! n'ont pas besoin d'être réveillés;
Ne disant pas la même chose, ne disant pas de chose, il sont réveillés.

Coqs, coqs, coqs, plus un mot !

livre.gif (4396 octets)  CRÊTE COQUINE POUR MADEMOISELLE MAURA

Mademoiselle m'aura
Mademoiselle déjà m'a (1).

D'elle vu,
Je deviens son têtu eu.

D'elle voulu,
Je deviendrais son têtu nu.

Pourquoi pas la mettre en sève,
Eve ?

(1) En arabe classique je verbe "déjama" signifie: "être pensive et mélancolique", en parlant d'une jeune fille. (note d'Armand Robin).


livre.gif (4396 octets)  VACHE BLAMANT L'HERBE

Par les prés séverins, j'ai rencontré Armand Robin;
Il cherchait un sanglier, c'est moi qu'il a trouvée;
De verbe en herbe, moi sans verbe, l'entretien fut très bien;
Il tenait à me dire qu'il dirait de moi du bien;
Il a compris : vache je suis, vache je vis, vache aussi je mourrai;
Il est parti, broutant du bord des dents mon idée.

Je vis d'ancolie et de mélancolie;
Car tous, sauf lui, oui, tous, me calomnient.

Je suis grosse, grasse, graisseuse exprès;
Je veux offrir matière bonne à quiconque vient auprès
Me tâter selon tous ses souhaits;
Tous me tâtent, meueuh sans tact ! selon tous leurs doigtés;
Je les regarde, l'oeil discret, pour ne pas les gêner;
Puis en bouse ils disent tous : " Elle a l'oeil mauvais et même de biais ".

Tous, sauf lui, me calomnient; meuh ! je ne vais pas à la gendarmerie
Porter beuglement; on n'y trouve pas l'ancolie.

Vache, j'ai le poil, la corne, les cornes qui travaillent pour mon lait;
Sous le poil, la corne, les cornes, j'ai mon âme de vache qui souffre pour mon lait;
Vache, je guette ensuite si mon lait
A l'enfant qui s'en accroît est le lait qui lui plaît
Et, si mon lait n'est pas le lait qui lui plaît,
Je change d'aliment dans mon pré; cela, personne ne le sait.

Plutôt que d'ancolie je me nourris de mélancolie;
Pourtant souvent sur l'herbe j'ai mon bon rire de vacherie.

C'est que je suis fortement vache; sur les flaccides
Millénaires de verdure on me vit toujours solide;
Aux fermières, aux césars, j'enseigne l'art d'être placides;
Buvant dans les torrents, je rends paisible le liquide.
Nul ne le dit ! Alors qu'au moins ces horribles graminées,
Ces trèfles, ces plantains, bruissent du bien que, vache, je fais !

Voilà pourquoi, mon muet verbe levé sur l'herbe,
Souvent j'ai l'air de la blâmer, non de la brouter, l'herbe. (1)

(1) En langage vache, "mais" se dit "meuh !" ou "meueuh !" ou "meueueuh !" sur plusieurs tons. La vache a plus de "mais" que l'homme. Elle les a généralement protestataires, meuh ! elle en a aussi de très affectueux. (note d'Armand Robin).

livre.gif (4396 octets)  LE MARCASSIN DE MARNES-LA-COQUETTE

Début septembre, en un restaurant séverin,
Ils parlaient tous d'un sanglier trop serein.

Tous l'avaient vu, en tous ses crins, à Marnes-la-Coquette;
Je me disais : " Ils ont tous un sanglier dans la tête. "

Un sanglier, on ne peut l'avoir qu'au coeur
Coeur plus impétueux fonçant sur le coeur.

J'en ai parlé avec la vache, j'ai ruminé, à la fin j'ai voulu bien
Qu'à Marnes-la-Coquette il y ait un marcassin.

Un marcassin, ça suit sa mère sanglière;
Ce n'est pas sanglier, suivre sa mère sanglière.

Sèvres, 18-30 septembre 1957.

Armand Robin Le cycle séverin, texte intégral