Au
village des cent beaux gars
Vint la Dame du Plus Beau jour.
« Oh ! pour toi nous mourrons damour ! »
Allaient chantant nos beaux garçons,
Qui lui dansèrent nuit et jour
La plus belle ronde du monde.
- Cessez, cessez tous de tourner !
Jamais dune herbe navancez ;
- Ombre des pas recommencés -
Pendant des heures vous dansez
Votre ronde de prisonniers.
Et nul naccorde son amour.
Leur dit un jour : « Beaux prisonniers,
« Je suis la Dame de la Beauté ;
« Ne donnerai mon blanc baiser
« Quà lhomme qui pourra tourner
Sans fin la ronde des plus beaux jours. »
O mes pauvres émerveillés,
Malades du mal de Beauté,
Pendant des années vous dansez
- Cercle des mots recommencés
Votre longue ronde de prisonniers
Jusquau doux soir où vous mourrez ;
Alors vous serez libérés
Et seuls les gros cieux enchaînés
Et seuls les grands champs entravés
Ne cesseront pas de tourner
Pendant toute léternité
Autour de vos tombeaux muets
Leur immense et lente ronde de prisonniers
Armand Robin poème expédié à Jean Paulhan en octobre 1936 et resté inédit.