Jai connu
Armand Robin de cette manière : sur le principe déjà de Poésie Sans Passeport
(confrontations et superpositions de la langue originelle et du français), javais
réalisé pour le Club dEssai de la Radio Diffusion Française une émission sur
Garcia Lorca, avec Maria Casarès, dans les deux
langues. Jean Tardieu directeur du club dEssai me dit : « Cest
intéressant, vous devriez prendre contact avec un personnage bien étrange : A.
Robin ». Armand Robin arriva avec des
traductions plein les poches (au sens propre : toutes les poches). Une amitié sengagea
à la faveur de nuits entières passées à envoyer les mots, les syllabes au plafond, en
des recherches de concordance - et dincantation,
dirai-je
Certaines non-traductions préexistantes figurent dans les émissions, dautres
furent écrites spécialement ou à cette occasion : cas entre autres, de lémission
sur lémission sur la poésie de langue flamande. Sur ma question : « As-tu
traduit du flamand ? » ou « Que faut-il penser de la poésie
flamande ? » - au hasard dune conversation il me dit :
« Je pars. Non, je ne connais pas le flamand, mais avec des recoupements, il ny
aura pas de difficultés à le comprendre et à le traduire, ce nest jamais que de lallemand
ancien ». Il revint avec une moisson. Quant à la confection des émissions
proprement dites, nous restions parfois des heures sur deux vers. Tous les interprètes de
la partie originelle des poèmes, souvent spécialistes, professeurs aux langues O etc, sébahissaient
de lindéfinissable, antique concordance de ces non-traductions : tant de
libertés et de précision à la fois. Ungaretti me déclara : « Mes poèmes
traduits par Armand Robin, cest moi, tout moi, plus Armand Robin ; nous sommes
un arbre double. |
Claude Roland-Manuel (lettre
personnelle transformée en « témoignage oral » à sa demande)
février 1988.