Armand Robin inspirait à tous ses camarades, grands
et petits, une sorte de crainte révérencielle: il traduisait en vingt minutes, une
demi-heure, une page de grec sur laquelle peinaient ses condisciples pendant trois longues
heures, et cela sans recourir souvent au dictionnaire, ce que ne faisait presque jamais
Armand. Il passait le reste du tamps en lectures clandestines, ce qui ne l'empêchait pas
d'obtenir la meilleure note et de loin... Rien dans ces lectures ne satisfaisait sa
dévorante fringale. Il faisait peur à beaucoup, émettant des idées qui heurtaient nos
vues traditionnelles et l'avaient fait surnommer "Voltaire" par certains. Il était très apprécié comme camarade ; mais sa supériorité, son non conformisme et déjà un certain hermétisme avaient souvent pour conséquence une sorte d'isolement. Armand aimait revenir à Campostal, et nous gardons le souvenir d'un homme sympathique, curieux, et d'une distraction difficile à atteindre, commençant force cigarettes au cours d'un repas sans Jamais les terminer, utilisant dans le feu de la conversation, son verre de café, comme cendrier. Il aimait nous faire part de son travail et de ses idées. Tels sont quelques aspects de la figure d'Armand Robin et les quelques souvenirs qui me reviennent à l'esprit. |
Ce témoignage de l'abbé Radenac est paru
dans la revue Echo de Campostal, janvier 1969