J'ai connu Armand Robin en l952, chez Jules
Supervielle. Il parlait peu, souriait souvent et, parfois, éclatait de rire. C'était un
timide violent, tendre et ombrageux. Je me rappelle ses mains, ses doigts, ses ongles de
laboureur : mais quel regard anxieux! Non, la terre ne lui suffisait pas. J'étais jeune, j'abhorrais les imposteurs, je cultivais la bagarre, les épigrammes et la polémique : je ne vivais que pour la poésie. Et je tremblais à l'idée d'être poète. Seigneur, quelle gloire ! quelle croix., mon Dieu! Il comprit que nous avions la même passion, les mêmes angoisses, les mêmes dégoûts, et nous devînmes amis. Lors de soirées plus longues que le jour, il me révéla des constellations de poètes que je ne connaissais pas. Et puis, il recréa quelques-uns de mes poèmes, dont il fit un éloge qui m'oblige à jamais. Car si - je n'ai été qu'un pré-texte, je sais (il me l'a dît) que seule la vraie poésie l'inspirait : il ne l'inventait pas, ne la traduisait pas il la transmutait : Je lui donne une branche elle en fait un oiseau Je lui donne un visage elle en fait un museau... J'ignore ce que Robin a fait de moi. |
Ce
témoignage de Ricardo Paseyro est extrait d'une lettre.