Je trouve que c'est dommage - quand on a un écrivain
que beaucoup de gens ont connu - qu'on ne parle pas de sa vie et de lui-même. On ne
peut pas reconstituer la vie des écrivains qui ont disparu. Mais si on a la chance
d'avoir rencontré le corps qui incarnait cet esprit dont nous avons les témoignages dans
les livres, c'est bien dommage de s'en priver.
Armand Robin était un garçon pas très grand, mince, très brun avec
un nez un peu crochu. Mon père, qui l'avait vu, disait qu'il avait tout à fait le type
des Bretons du Léon à profil d'aigle. Et il avait l'air, avec ses grosses lunettes, la
tête penchée en avant, d'un oiseau de nuit, et une façon brusque de parler comme si
chaque fois il sortait des ténèbres, comme s'il apparaissait brusquement de la nuit.
C'était un homme très singulier, très chaleureux, très agressif et en même temps
très tendre. |