Dans la rubrique La Boîte aux images, Yvan audouard fait le compte-rendu du film Le Monde d'Une Voix de J F Jung diffusé sur FR3 le 25/10/1985 et évoque Armand Robin : |
[...] on a pu entendre, au-delà de la mort, les textes des poètes
les plus visionnaires de ce temps. Il se trouve que je l'ai, non pas connu, mais très
amicalement fréquenté du temps où il passait ses nuits à l'écoute de toutes les
radios du monde. Je ne suis pas sûr qu'à part le breton et le français il parlât
d'autres langues. Mais il les entendait toutes. Non seulement il les entendait, mais il
savait déceler derrière les mots les monstres qui n'osaient pas dire leur nom. Il était
le concierge des mots, du temps où il fallait décliner son identité avant d'aller au
dodo. Il ne se coucha donc jamais, excepté dans la mort. Car il demandait aux mots de ne pas signifier souvent le contraire de ce qu'ils prétendaient définir. Il leur demandait de "sonner juste". Rareté suprême dans la bouche des puissants. Cette exigence lui rendit l'écriture mal commode. Car il ne savait pas écrire pour mentir (à l'inverse des hommes politiques et de la plupart des écrivains). Il n'utilisait les mots que pour dénoncer la "fausse parole". A force de dire vrai, il finira par être entendu. Mais il faudra du temps. Il faut du temps pour que les Rimbaud trouvent leur place. Mais alors chez les faux-seigneurs du verbe, quelle débandade ! |
Ce témoignage d'Yvan
Audouard a été publié dans Le Canard Enchaîné N° 3392
du 30 octobre 1985