C'est un truisme depuis longtemps
admis que la traduction d'un poème dans une langue
étrangère est une entreprise pratiquement impossible
et qui ne peut donner que des à-peu-près décevants. Le
titre du nouveau recueil d'Armand Robin est donc, en
même temps qu'une acceptation tacite de cette vérité,
une sorte de provocation à la tradition littéraire des
traducteurs. Armand Robin, l'une des plus étranges figures de notre littérature contemporaine, consacre depuis de longues années déjà, une grande partie de ses efforts à faire passer dans îa langue française des œuvres de poètes étrangers. A cet effet, il a appris une douzaine de langues, parmi lesquelles le chinois, l'arabe, le finlandais et le breton, qui est sa langue maternelle. Il est donc déjà, de par sa formation, une sorte de phénomène. Mais qu'on ne s'y trompe pas : la méthode employée par Armand Robin est très différente de ce décalque approximatif que constituent la plupart des traductions. Même de Mallarmé ou de Jean Prévost. Pour Armand Robin, il s'agit essentiellement de retrouver le souffle, la respiration, la vie poétiques de chaque auteur, c'est-à-dire de se replacer, en quelque sorte, avant le poème. Il apparaît donc qu'il n'est pas ici question de traduction littérale, ou d'adaptation, mais véritablement, de re-création. Robin reprend le poème étranger à sa naissance, dans îa gorge de son auteur, - mais il le dit en français. Ce poème, il le vit, il se l'assimile par osmose. Sur le plan du langage, une telle sorcellerie n'était possible que grâce au mot-à-mot, ou plutôt exactement au son-à-son. Nous retrouverons, dans Poésie non traduite, des réussites aussi étonnantes que celles qui faisaient le prix d'un premier ensemble de traductions publiées il y quatorze ans par Armand Robin sous le titre : Ma vie sans moi. |