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Armand Robin :

les poèmes satiriques de La Nation Française

1956 - 1959

Lambrichs : les fines attaches 14/01/1959

                  

  Les fines attaches  [ Georges LAMBRICHS, éd Gallimard 1958]

 

Georges Lambrichs est du tout petit nombre des écri­vains qui écrivent le plus rarement qu'ils peuvent, publient peu, n'aiment pas les éloges. Ils sont étonnés de s'apercevoir au bout de quelques années qu'ils sont à la tête d'une œuvre. Dans le cas de Lambrichs :

« Chaystre ou les plaisirs incommodes », 1948 (N.R.F.)

 « Les rapports absolus », 1949 (N.R.F.).

«Les Fines Attaches », 1958 (N.R.F.).

Ces écrivains pensent que le propre de l'écrivain est tout bonnement de savoir écrire. Pour parler selon les ter­mes de Lambrichs, leurs « plaisirs incommodes », leurs « rapports absolus », leurs « fines attaches » concernent le style ; ils se rendent difficiles tous les mots et même les virgules. Ils travaillent sur le langage jusque dès le titre.

Comment écrit Lambrichs ?

Prenons un exemple, emprunté aux « Fines attaches » (récit intitulé : « En cachette ») :

« Un promeneur du dimanche, fumeur « d'occasion, se croyait abandonné de Dieu, dans une campagne hostile, parce qu'il cherchait en vain à se procurer une boîte d'allumettes. »

Que Lambrichs le sache ou non, il écrit musicalement : en cette phrase, il y a six unités mélodiques. Chacune d'elles captive auprès de ses compagnes, captive par elles, aidant à les tenir captives. Rien n'est dit de « signifiant » pour employer un mot de l'affreux jargon de cette époque ; il n'y est dit que le plaisir de construire une phrase harmonieuse.

De cette première harmonie en naît une seconde :

« La nuit ne le surprendrait pas ; il la voyait se faire, aux alentours, lentement. Soit ! »

Certes, il y a chaque fois une matière, il se passe apparemment quelque chose ; le livre a l'apparence d'un recueil de nouvelles de deux à cinq pages chacune ; citons quelques titres de ces récits :

« Mes amis se disputent, mais la cause du conflit est subtile ».

« Un retour en arrière et tout a commencé »

« Manière désuète de séduire une jeune personne ».

En fait, il n'y a pas de récit réel, il n'y a que des réci­tatifs (au sens strict du mot : chants dont les mesures sont libres).

Citons encore :

« Mi-neutre, mi-tendre, il se pencha en direction du poêle, devant lequel je m'étais accroupi, élevant benoîte­ment les mains, pour capter au passage quelque incertaine chaleur ».

On dit parfois de Lambrichs qu'il est « ambigu ».

Certes, connaître un poète véritable (ou un peintre véri­table, ou qui que ce soit de véritable) n'est jamais satis­faisant, les personnes de ce genre ne vivant que peu leur vie apparente ; or, plaisir sans satisfaction est plaisir dont on doute. Dans le cas de Lambrichs, il ne s'agit pas seu­lement d'un homme dont la présence peut mettre mal à l'aise du seul fait qu'elle est surtout la présence d'une œuvre en train de fréquenter son auteur ; il s'agit d'une œuvre qui constamment résorbe ce qu'elle pourrait être : elle est écrite deux fois, pour le moins : une première fois pour exprimer le merveilleux du banal, une deuxième fois pour le mieux exprimer.

Il n'y a aucune ambiguïté dans le travail de bien écrire.


 Armand Robin, La Nation Française, 14/01/1959



 

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