- 1941 - |
janvier | nrf : Domaine
terrestre, texte essentiel, mais unique en
son genre donné à la revue de Drieu La Rochelle : AR y
explique son point de vue sur son activité littéraire et le
rôle de l'écrivain en temps de guerre. Il fustige son rôle
politique et prône une sorte d'art pour l'art, bien dans la
lignée officielle de la nrf, mais totalement
déconnecté de l'air du temps : travailler hors du temps
[...] Ce qu'il y fait ? Grands dieux ! mais tout simplement il écrit. Ce qu'il est ? Mais tout simplement un écrivain qui, s'il possède un talent, est par-là même justifié; son rôle, son but, sa mission est de créer de la pensée et de l'art, quoi qu'il arrive, et surtout « s'il arrive quelque chose » ; bien écrire, penser juste, fort et simple, composer de beaux poèmes, dispense de se chercher tumultueusement d'autres buts. La pierre de touche du véritable écrivain est que dans tous les cas il puisse se sentir libre, ce qu'il s'assurera très aisément s'il évite de faire dépendre son rôle humain d'un rôle politique. La nature propre de la pensée et de l'art est de continuer - d'où pour l'écrivain des obligations assez simples : celle de ne pas faire dépendre son activité des événements, celle de défendre la civilisation de son pays, même si tout le reste est perdu. Texte complet ici. On peut comparer cela à ce qu'écrit Jean Guéhenno : Que penser d'écrivains français qui, pour être sûrs de ne pas déplaire à l'autorité occupante, décident d'écrire de tout sauf de la seule chose à quoi tous les Français pensent, bien mieux, qui, par leur lâcheté, favorisent le plan de cette autorité selon lequel tout doit paraître en France continuer comme auparavant ? Journal des années noires, 30/10/1940. Revue Fontaine N°12 de décembre-janvier : Michel Levanti : A propos de Ma Vie Sans Moi par Armand Robin, note de lecture. 2 : Lettre à Jean Paulhan grippé. Ce dernier lui a proposé de faire un volume pour la collection de la Pléiade, dont il est devenu le directeur depuis octobre 1940. AR souhaiterait Rousseau, Vigny, Nerval ou Renan; mais n'a pas fait son choix. |
février | |
mars | Esprit
N°98 : article élogieux de Georges-Emmanuel
Clancier sur Ma Vie Sans Moi : Les poèmes
d'Armand Robin, et des traductions, par cet auteur,
d'Essénine, de Juljan Tuwim, d'Edgar Poe, composent un
beau livre, où la vie d'un homme s'affirme, fraternelle en
sa solitude, plus forte que les tâtonnements des peuples.
9 : Journal de Genève : dans un article intitulé Retour à la poésie, Edmond Jaloux, cite Armand Robin parmi les "jeunes écrivains qui se sont remis à publier". Il cite également : Joë Bousquet, Paul Eluard, Pierre Emmanuel, Claude Roy, Jean Rousselot, etc. |
avril | 1 : AR
serait déjà au ministère de l'Information où il est chargé
d'écoutes radiophoniques en langues étarngères. Marcel
Bisiaux (Arts) donne 1940 comme date. Mais l'arrêté
de nomination est de mai 1941. Depuis mars, c'est Paul Marion qui a pris la direction du Secrétariat Général à l'Information, et qui va le réorganiser. On peut penser que c'est dans ce contexte qu'arrive Armand Robin. Comment-est-il arrivé là ? Mystère total. On peut toutefois constater qu'en cette année, AR est à la recherche d'un emploi rémunéré et stable, en liaison sans doute avec son mariage : voir décembre 1940. Il a tenté d'obtenir un travail à la nrf, auprès de Drieu, mais ne l'a pas obtenu. Il se peut que ce soit Armand Petitjean, l'un des bras droits de Drieu, qui ait servi d'intermédiaire. Il se trouve justement que Petitjean occupait le poste de co-directeur du bureau de la propagande au secrétariat à la jeunesse, dépendant du ministère de l'Information. Il en démissionne en décembre 1940, tout en restant au ministère dans d'autres fonctions. Mais il y était donc bien placé pour connaître les besoins de Marion en personnel. Armand Robin et Armand Petitjean se connaissent au moins depuis 1937. Simple hypothèse... Service de presse : Eluard : Moralité du sommeil, avec une dédicace : "à Jacqueline et à Armand, leur ami" |
mai | nrf : Jean
Prévost : l'amateur de poèmes, note de lecture.
En zone occupée, tractations en cours pour la création du CNE (Comité National des Ecrivains) par des intellectuels, écrivains et scientifiques, dont Jean Paulhan, Jean Guéhenno, Jean Blanzat, Jacques Debû-Bridel.... Deux noyaux essentiels en formeront la base originelle : un groupe d'écrivains autour de la nrf d'une part et des écrivains communistes ou sympathisants de l'autre par transformation et élargissement du Front National des Ecrivains de Jacques Decour... En septembre 1943, le CNE zone sud, rassemblé notamment par Aragon, viendra s'y agréger. 21 : arrêté de nomination d'AR comme
"collaborateur technique" au ministère de l'information.
Le titre n'a aucune importance si ce n'est pour constater
qu'AR n'a pas le grade de fonctionnaire : un directeur de
cabinet de Marion a le même titre ! Le travail se ferait
au ministère, 10 rue de Solférino, Paris III,
d'après certains témoins, ce que confirme une lettre à
Drieu La Rochelle de [septembre] 1942, où il dit s'y
trouver jusqu'à 11h. Mais Y. F. Jaffré - lui aussi
au ministère de l'information, et qui sera l'avocat de son
divorce- affirme qu'AR n'y aurait pas de bureau : il y
arrive tous les jours aux alentours de midi, à vélo, pour
déposer son bulletin... et parfois récupérer son courrier.
Travail épuisant, réalisé essentiellement la nuit, de 12 à
18h par jour, écrit Robin. |
juin | Reparution de Comoedia,
hebdomadaire littéraire toléré par la censure allemande, où
écriront désormais de nombreux écrivains français. Il est
vrai qu'il se limite strictement au littéraire. On comprend
donc qu'AR puisse y participer. Poésie 41 : Article de Jean Jacques Marchand, quasiment le seul à mettre en valeur les traductions : le « Corbeau » de Poë [...] Robin en fait une nuit vivante, où chantent les objets, créant une terreur panique. La vie d’Essénine par un paysan de la région de Riazan et les poèmes d’Essénine sont admirables. Le sommet du livre est : la « Prière du guetteur » du poète Vannetais J.-P. Calloch (1888-1917) traduit du gaélique (sic). A noter que le critique se laisser tromper par le pastiche d'AR : vie d'Essénine n'est pas une traduction, mais bien une création originale. |
juillet | écrit en 2 mois l'essentiel du Temps qu'il fait. Mais le projet lui trotte dans la tête depuis novembre 1939 au moins. |
août | |
septembre | |
octobre | 22
: lettre à JP : termine la traduction du Satyros
de Goethe, qui lui a été confié pour l'édition de Goethe
dans la Pléiade; doit remettre le manuscrit pour le 27;
envisage de faire aussi le Mahomet qu'il terminerait
pour le dimanche 2 novembre. Souhaite aussi travailler pour
le Tableau de la littérature:
Hugo, Chateaubriand, Vigny. Témoignage de difficultés de la
vie pendant la guerre : "nous avons fini par manger la
poule". A enregistré une interview pour radio Vichy, mais se
défend de s'être laissé entraîner quelque invitation même
légère à la collaboration: " ils ont voulu que je dise un
mot, un seul; ils ne l'ont pas obtenu; ... mais je crains
qu'ils ne l'aient fait ajouter par le speaker pour
"chapeauter" l'ensemble".
23 : lettre à Drieu La Rochelle : lui envoie la manuscrit du Temps qu'il fait que Drieu a demandé aux fins d'en publier un extrait dans la nrf: accord d'AR, qui au passage traite son oeuvre d'enfantillage. Le livre doit paraître chez Gallimard pour le 15 décembre. 25 : 1er article d'une série de 4 au Figaro Littéraire : "Les agrégatifs souffrent-ils d'une crise spirituelle ?" Seule colaboration connue à ce journal. |
novembre | Cette année AR est
inscrit à l'Ecole des Langues Orientales pour le Chinois
8, 11 et 18 : suite des articles au Figaro Littéraire. |
décembre | nrf : chevaux,
extrait du Temps qu' il Fait
5 : Jean Guéhenno : Journal des années noires : L... fait un étrange métier. Comme il comprend un grand nombre de langues, le ministère de l'information l'a chargé d'écouter les diverses radios; il passe ses nuits, à l'écoute du monde, et chaque matin rédige un rapport. Il n'est sans doute guère d'hommes mieux renseignés que lui. Il sait tout ce qu'on peut savoir, compte tenu des censures, des propagandes qui s'exercent partout. Les nouvelles qu'il apporte ces jours-ci sont après tout rassurantes. L... est évidemment Armand Robin. On peut en conclure que les deux hommes se parlent et se fréquentent à nouveau. On peut aussi constater à la lecture de la suite du texte qu'AR transmet bien déjà des informations sensibles et sûres à des résistants car il n'ignore sûrement pas la participation de son maître au CNE nouvellement créé. 20 : 1er article à Comoedia : A propos du cinquantenaire de la mort d'un poète (Arthur Rimbaud) : "Il a beau être connu, signalé, pisté, traqué, imité, reproduit, singé, décalqué, il reste l'introuvable : quoi qu'on fasse, il reste le mirage qu'il était d'abord". 25 : écrit Pendant que l'enfant
dort, qui paraîtra début 1942 dans La
jeune poésie et ses harmoniques, publié sous la
direction d'Albert Marie Schmidt |
Dernière révision : 11/05/2020 - Les informations concernant le CNE, l'épuration et la liste noire sont pour l'essentiel tirées du livre de Gisèle Sapiro, La guerre des écrivains - 1940- 1953, éd Fayard, 1999. Mais Armand Robin ne figurant pas dans le panel des écrivains retenus pour l'étude statistique, les renseignements le concernant y sont assez fragmentaires.