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Ma vie sans moi
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Armand Robin : la poésie

 avant et autour de Ma Vie Sans Moi 

Temps passés     12/1939 - 12/1940

                  

   Temps passés
 

Oui, que soudain l'image pense

Seule, immense, à la mesure de toute l'ombre

Et que les mots se taisent

Bien avant nos lèvres, presque dès le cœur,

S’ils ne sont pas en paix avec la vie, avec la mort.

 

                                       II

 

Plus tendrement que le plus lent nuage tout visage

Stagnait ; et l’on tuait sans bruit les derniers songes.

Avec rage dans la sauvage insouciance des soirs

Pour isoler l’éternité on surhaussait les haies de ronces.

Froissés, les chants aimants se gardaient de la gloire.

 

Sur la rouge place publique saignante qu’est son cœur

Le poète s’adossait cruellement au paradis.

Les bourreaux soudoyés par son art l’avaient trahi

Et les couchants courbés en branches de silence

Fleuraient leur beauté vaine en dédaignant son cri.

 

Foudroyeur monotone de notre Europe de fantômes,

Dieu juif toujours jaloux, toujours blessé, Hitler

Sur son mont Sinaï grelottait de grandeur.

Dans tout cœur non bourgeois l’espoir de torturer Staline,

Flamboyant chaque nuit, narguait les cimes vieillies du crime.

 

Livrés, la bouche amère, aux terreurs de l’écume

Dont la mer et l’histoire en riant se retirent,

Les pauvres gens transis tremblaient avec l’abîme ;

Comme pour des vivants sur eux bruissant encore

Les trésors ruisselants de l’aube étaient blasphèmes.

 

Mortels bien avant l’heure où leur destin s’affaire,

Les hommes, tous trop frais devant leur tâche usée,

Mouraient abandonnés même de leur vraie mort.

Ils pensaient que souffrir restait leur liberté,

Leur souffrance servait l’injustice future.

 

Qu’attendre de la nuit sauf une nuit plus noire ?

Un peu de feu brisé par tous les vents du monde,

Cheminant sans fatigue au milieu de la honte,

S’appuyant à Dieu même à l’instant de périr,

Allait du père au fils en suivant les hauteurs.

 

                                       III

 

Un cri d’oiseau stagnant becquetait l’avenir.

Les chants aimants, aimés, se gardant de leur gloire,

Ne savaient plus songer à ce bon trèfle dont les nourrit

Toute aube ; et ces chevaux, l’œil humide à demi,

Le cou posé sur nous grelottaient de grandeur.

 

Très seul au bout du monde, ensanglanté d’absence,

Le poète, adossé piteusement au paradis,

Ne buvait plus qu’à peine à sa gourde de ciel très dense,

Et les couchants courbés en branches de silence

Lentement l’inclinaient jusqu’au sol des vrais cris.

 

« Poète, prophète,

Villes, rives se voûtent, sourdes à leurs étoiles !

Poète, prophète,

Avec tes petits bras ne bâtis plus l’absence !

Commande sur les toits des villes,

Commande à la terre, à la terre seule,

Commande à la terre belle,

Avec démence. »

 

                                      *

Cependant, grandissant de talus en talus,

Perdu très bas dans l’ombre, indifférent aux ruses,

Des ronces, sur tout roc, roc lui-même entêté,

Un paysan, parti chercher ses bœufs perdus,

Enjambait son pays d’un pas d’éternité.


Nrf N° 322, 1er décembre 1940 pour les 5 dernières strophes (en gras) ; inédit pour le reste. Il a vraisemblablement été censuré par Drieu La Rochelle, nouveau directeur de la revue à cause de sa 4e strophe.

Les parties I et II ont été écrites en décembre 1939, et envoyées à Jean Paulhan le 1er janvier 1940, avec annonce de la IIIe à suivre. Le tapuscrit indique cette IIIe partie. Nous avons donc conservé l'amplitude et le découpage prévu dès l’origine par l’auteur.

Le poème était peut-être destiné au recueil Ma Vie Sans Moi. Mais il a sans doute été refusé par Jean Paulhan car sa tonalité nouvelle imposée par la situation politique de la France ne respectait pas celle d'origine.


 

     Poésie personnelle
          Ma Vie Sans moi