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cahiers du sud
                  avril 1939
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Armand Robin : la poésie

 avant et autour de Ma Vie Sans Moi 

Pays

                  

PAYS

 

 

 

MON PAYS

 

Dans ce pays en dedans des souffrances

Où je dois me créer grâce à mes créatures;

Des mots tombent de moi sans poids, plus nuls qu’un songe

Où jamais ne s’émut que le remous d’une ombre ;

Trop imagés de mort pour n’être pas présages,

Mes héros délivrés m’ont laissé leurs blessures

 

Dans ce pays en dedans des souffrances,

Voici ma joie, oui, JOIE, - semblable à ma torture :

J'y murmure très seul des silences plus ténus

Que moi-même ou parfois, triste plaisir trop pur,

Au paradis de l'art d'où nul ne revient plus,

Je poursuis sans nul but l'aventure des nues.

 

Seuls les jeux des oiseaux, des ruisseaux, des herbages,

M'aident lorsque je veux descendre en votre sang

Pour céder tous mes cris à l'amour des vivants,

(Oh ! pleurs, détruirez-vous d'eux à moi la distance ?)

A l'amour des passants, moi qui suis de passage

Et qui ne prétends plus qu'à mon trop haut tourment.

 

Et lorsqu'au sol enfin j'accède en égaré,

J'y suis contrebandier d'indicibles souffrances ;

En me cachant de tous je les porte au marché,

Contre elles dans un coin je demande en silence

De ce vin qu'il me faut pour ne pas trop pleurer,

Mais je n'insiste pas :  je suis contrebandier.

 

 

LE  PAYS  DE  MON  PERE

 

Au village où ne cesse de s'étendre ma première ombre,

A l'heure où, chatouillées par les doigts rouges de l'aurore,

L'église et sa voisine, la timide bijouterie des bruyères

Échangent un grand sourire mouillé de pourpre,

Un vieillard qui mâchonne une herbe jeune et fière

S'avance en grandissant sous la splendeur de l'éphé­mère

Et compte pour lui seul toutes les minutes où je l'oublie.

 

Oh ! soyez-lui gentilles, très gentilles,

Prairies brillantes de tant d'offrandes d'oiseaux et de rosée :

Il cherche pour m'aimer un simple mot bien dit,

Qui soit presque une chose, un simple mot de plus

Que la vie, —et si clair que l'âme en reste obscure

Quand il se perd au ciel comme un caillou très rude

Jeté par un berger trop loin de ses brebis...

 

... Et le songe d'un lys empoussiéré s'allonge

Aux vitraux où des yeux d'anges moisis sommeillent.

 

 

LE   PAYS   D'UNE   FEMME

 

Moi j'ai les yeux d'Armand à toute heure

Et j'aime quand Armand y pleure.

 

 

 

 


Armand Robin Volontés N°17 Mai 1939


 

     Poésie personnelle
          Ma Vie Sans moi