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Armand Robin: Les poèmes indésirables
(1945)

LE POÈTE INDÉSlRABLE

 

J'eus tous les torts, tous partout l'ont dit.

Les poètereaux bourgeois, tous communistes, m'ont maudit :

 

« C'est un homme qui vient du peuple !

« Scandale : quoi qu'on lui fasse, il reste peuple !

 

« Bien qu'il vienne du peuple il veut parler.

« Or nul homme du peuple n'a plus droit de parler ;

 

« Il ose dire : « J'aime la poésie.

« Un fils de travailleurs, oser parler de poésie !

 

« Aucun homme du peuple n'a droit de poésie ;

« Le poème, Eluard l'a dit, est un jeu pour bourgeoisie ;

 

« Grâce à nous la poésie est réservée aux seuls soumis.

 « Tous les chants par un tyran doivent être garantis ;

 

« Un homme du peuple doit seulement

« Subir mort et famine en criant : « Staline est grand ! »

« Un poète surgi des paysans, des ouvriers

« TERREUR, TERREUR, c'est le danger des dangers !

 

« Justement, fuyez-tous, lui, le NON-AUTORISÉ

« II vient des travailleurs pour mieux travailler !

 

« II ne luit pas comme nous dans les salons de la bourgeoisie.

« Né des petits, il ne sait pas trahir les petits ;

 

« Dans les poèmes il surgit en bandit :

« Il chante autrement que nos bureaux l'ont permis !

 

« Avec fierté dans l'ombre il écoute les siens ;

« TERREUR, voilez-vous tous, il est POETE PROLÉTARIEN ;

 

 « Nous, bourgeois communistes, nous mettrons fin par TOUT moyen

 « A l’abomination qu’est un chant prolétarien ;

 

Nous tuerons plutôt que de laisser un ouvrier

« Sans truquage exprimer ce que pensent les ouvriers ;

 

« Pour changer ce Robin nous avons tout tenté :

« Obscurité, célébrité, louanges, huées ;

 

« Pendant cinq ou six ans nous avions cru l'avoir bien oint :

« FAIS-TOI BEAU ! SOIS FRÉTILLANT ! VIENS AVEC NOUS CHEZ LES MONDAINS !

 

« Nous faisons tout mieux que les autres, nous staliniens :

« Nous avons une variété superidiote de mondains.

 

« Nos mondains, il les a giflés ;

« Les portes dorées, il les a claquées ;

 

« Nos millionnaires, il les a fessés ;

« Et nous, il nous a fouettés.

 

« Nous nous sommes consultés, nous avons décidé :

« RIEN À FAIRE ! IL RESTE ET RESTERA PAYSAN, OUVRIER ;

 

« NÉ DU PEUPLE, IL NE SERA JAMAIS VALET,

 « JAMAIS POÈTE À GAGE, « POÈTE ENGAGÉ » ;

 

« IL N'EXISTE AUCUN MOYEN DE LE CHANGER EN SALETÉ ;

« PUISQU'IL N'Y A RIEN D'AUTRE À FAIRE, IL FAUT LE TUER. »

 

« Aragon, bourgeois plus veule, a renchéri :

« TUONS-LE VITE, VITE, AVANT QU'IL AIT LE TEMPS D'UN CRI !

 

« IL FAUT QUE SON CHÂTIMENT SOIT EXEMPLAIRE

« ET SERVE DE LEÇON POUR TOUT PROLÉTAIRE :

 

« AVANT D'ÉTUDIER, TOUT PROLÉTAIRE

« DOIT DEMANDER : STALINE, AI-JE DROIT DE LE FAIRE ?

 

« AVANT DE DIRE UN MOT TOUT PROLÉTAIRE DOIT

« DEMANDER À STALINE : EST-CE QU'IL PLAÎT À TES BOURGEOIS ?

« STALINE A DIT : FAITES SAUTER LA TERRE

« PLUTOT QUE DE DONNER LA LIBERTÉ AUX PRO LÉTAIRES !

 

« IL FAUT ASSASSINER TOUS LES HOMMES DU PEUPLE

« QUI VOUDRONT RESTER PEUPLE.

 

« TRAVAILLEURS, PAR L'EXEMPLE DE ROBIN, APPRENEZ :

« QUICONQUE PARMI VOUS S'INSTRUIRA SERA TUÉ

 

« VOUS N'AVEZ DROIT QU'À DES JOURS FAUSSÉS,

« VOUS N'AVEZ DROIT QU'À DES MOTS TRUQUÉS ;

 

« TOUT TRAVAILLEUR GAGNANT, TRÈS PUR, ACCÈS À LA PENSÉE,

« NOUS SAURONS SANS HÉSITER, SANS PITIÉ, L'ASSASSINER.

 

« NOUS, COMMUNISTES, NOUS SOMMES LES EMMERDEURS,

« LES EMMERDEURS DE TOUS LES TRAVAILEURS ».

*

**

Et moi, simplement, telle une plante, je voulais

M'accroître lentement, patiemment, sans bruit,

 

Préparant de l'ombre, de la verdure, des fleurs, des fruits

Même pour ceux qui tentent de me déraciner.

 

Ces sous-hommes sont venus, m'ont dit : « SOIS HAISSANT ! »

Mais les miens, ouvriers, paysans, m'ont créé roc non-changeant

Même qui me hait me rend plus aimant

Et je résiste, résisterai dans L'HUMAIN PERMANENT.

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