Poésie non traduite
I et II (1953 et 1958) rassemble l'ensemble le plus vaste et le
plus diversifié des traductions d'Armand Robin : on y trouve des
textes venant de près de 20 domaines linguistiques. Les nombreux
auteurs traduits sont de genres variés, d'époques diverses,
souvent anciennes.
On y trouve:
Chinois :Tou Fou, Wang Wei, Li Po.
Arabe : Imroulqais.
Breton : Anonymes du Barzaz Breizh, Maodez Glandour.
Suédois : Fröding, Koskenniémi.
Allemand : Caroline de Günderode, Jirgal, Holderlin.
Néerlandais : Gezelle, Elsschot, Bouthens, Holst, Marsman, Van
Nijlen, Van der Graft, Jonckheere.
Russe : Pasternak, Maïakovski, Remizov.
Espagnol : Paseyro.
Italien : Ungaretti, Montale.
Hongrois : Jozsef, Ady.
Polonais : Mickiewicz, Wazyk, Galcynski.
Gallois : Liwarc'h Henn.
Anglais : Keyes, Dylan Thomas.
Slovène : Lily Novy.
Ajoutons-y divers auteurs parfois anonymes en tchérémisse,
bulgare, mongol, ouighour.
Eux-moi sommes UN. Je ne suis pas face à eux, ils ne
sont pas face à moi. Ils parlent avant moi dans ma gorge,
j'assiège leurs gorges de mes mots à venir. Nous nous tenons
son à son, syllabe à syllabe, rythme à rythme, sens à sens, et
surtout destin à destin, unis et séparés en sang et larmes,
ontologiquement sans félonie - eux-moi intact UN.
Eux-moi, préface de Poésie non traduite I
Poésie non traduite I et
II est édité par Gallimard dans la collection blanche... Les deux
volumes sont aujourd'hui épuisés.
WANG WEI (Poème écrit
en 718 ; Wang Wei était âgé de 19
ans) Le pêcheur
sur sa barque au pas des eaux Est
amoureux du printemps montagneux Sur les deux
rives les fleurs du
pêcher Serrent les
antiques gués Assis il
admire les arbres rouges Il ne
sait pas qu'il s'est éloigné Sur le
torrent bleu jusqu'au bout il a vogué Il ne
voit plus d'homme désormais Dans
les gorges des monts il
s'enfonce Des tournants
des sinuosités pour commencer Les monts
s'ouvrent son regard s'allonge Toute la
terre ferme est sans aspérité Il contemple
de loin partout d'unies Touffes
nuageuses d'arbres Il
vient tout près mille
éparses Demeures dans
les bambous en fleur L 'hôte
ramasseur de bois mort le voyageur Le
premier leur annonce le nom des Hans Les
demeurants d'ici n'ont pas encore Quitté
l’habit de l’ère
Ts’ing il y a mille ans Ces
demeurants sont fixés
ensemble A
la source où naît
le non-être Puis
en dehors des Etres Ils
reconstruisent
leurs vergers leurs champs Quand
la lune brille
sous les pins Les
maisons et
les fenêtres sont paisibles Quand
le soleil quitte
le centre des nuées Coqs
et chiens crient des cris
serrés Troublés d’apprendre
que
de la vie Leur
vient un être ils viennent
à l'envi Vers
lui ou l'invitent à l'envi Pour
l'interroger sur son pays « - A l’aube
dans les ruelles de mon village «
Avant de partir j'ai balayé les fleurs «
Le soir j’avais
pris du poisson j'ai suivi «
Le pas des eaux et je suis entré ici « - Au
début à cause de l’endroit écarté « Nous avons
délaissé l'humanité «
Puis nous sommes
devenus des immortels «
Et nous ne
sommes pas rentrés « En ces
gorges comment saurions-nous
« Qu'il y a
des hommes encore « Eux ne peuvent voir ils sont
en dehors « Que monts déserts désertes
nuées » Il n'ignore
pas que percevoir Le terrain de l'Esprit harasse Il
n’a pas vidé de son coeur tout le sable du sensible Il pense
encore à son village Il se dit les
lieux déjà traversés Ne peuvent
pas m’illusionner Comment
pourrait-il en
être informé Les sommets
les canaux ont changé L’instant
même il ne s’est rappelé Que son
entrée dans les monts profonds Que le
torrent bleu et ses
tournants nombreux Que son
arrivée aux bosquets nuageux Le
printemps aujourd'hui à son village vient
d’arriver C’est
partout des eaux des fleurs de pêcher Lui ne distingue plus
en quel lieu
chercher La source où
coule son immortalité |
Wang Wei, traduction
d'Armand Robin, version préparatoire au poème figurant
dans Poésie Non Traduite. En rouge les
termes qui seront modifiés. |