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Armand Robin : témoignages

- Roger Toussenot : un livre disparu -

livrevieux.gif (469 octets)Un jour, Il m'a écrit. Il m'a envoyé une somme d'argent et m’a demandé de venir le voir à Paris. J’ai spontanément répondu à son invitation. Durant toute une nuit, il m'a lu le texte d'un roman qu'il était sur le point d'achever et dont le contenu m'avait d'ailleurs vivement intéressé. La tonalité de Kafka se faisait sentir. Robin contait l'aventure métaphysique de son héros venu de Bretagne et qui doit finir par disparaître à son point extrême de dépersonnalisation. Le style prosodique était neutre, fait d'une grisaille supérieurement maîtrisée, très caractéristique chez Robin. Cet ouvrage est certainement resté inachevé et peut-être même l'a-t-il détruit parce que trop personnel, car personne n'en a entendu parler.


Cette nuit nous permit une sorte de dialogue dont j'ai retenu l'essentiel.


Le pessimisme de Robin m'avait frappé. Il prévoyait ce vers quoi nous nous dirigeons en aveugles, provocateurs des craquements. Il avait rêvé d'une humanisation de ce que Malraux appelle « les héritiers de la terre entière ». Malheureusement, tout le sang gaspillé dans l'absurde n'avait pas supprimé l'absurde. Le message de Kafka demeurait plus prophétique que jamais. La notion de progrès spirituel réel et non plus théorique s'immobilisait, se figeait dans les Académies et dans les Musées chers à l'auteur de la Condition Humaine et à Berenson. Le peuple, si riche, dormait (il dort toujours, d'ailleurs). Quant aux poètes, ils avaient été assez crétins ou épiciers pour s'engager dans n importe quelle idéologie politique. (Même Éluard ne fut pas épargné.) Il me dit : « En poésie, une seule politique est pensable, et je devrais plutôt dire une technique, une exploration, c'est la Poésie, tout simplement. » Je m'étonnais un peu de l'entendre formuler de telles vérités, le sachant très discret dans l'appréciation des formules. Nous parlâmes longtemps, longtemps... Son dédoublement poétique m'impressionnait.

Roger Toussenot, Le solitaire, Cahier des saisons, hiver 1964