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Armand Robin: témoignages

- Alain Bourdon -

livrevieux.gif (469 octets)     Les débuts d'Armand ROBIN dans la vie universitaire sont difficiles, (…) c'est que exclu, se sentant proscrit de naissance (…), Armand ROBIN pense que son rôle n'est pas de soigner sa parole universitaire, mais de "tenir parole" tout bonnement, c'est-à-dire d'être fidèle aux siens et fidèle à ce que, lui, il pense - C'est-à-dire apporter sa voix, lui qui l'a protée tant qu'il pouvait à ceux dont le français dit si bien qu'ils sont "Interdits". Ces pauvres gens interdits qui ne savaient pas parler, il a pris leur place, et maintenant qu'il est capable de parler plus haut, de faire porter sa voix plus loin, il pense qu'il doit poursuivre sa mission et essayer, par sa parole, de libérer le monde de l'asservissement. Voilà l'idée qu'Armand Robin n'a cessé de se faire de la poésie.

Nous sommes en 1933, il a 21 ans et mes souvenirs de khâgneux, mes souvenirs de sorties avec Robin à cette époque-là, sont très clairs. Vous savez, en gros, les étudiants de 1931-32 dans nos khâgnes étaient ou de droite ou de gauche. Ils avaient sympathie ou pour Charles Maurras ou pour la gauche, et "pour la gauche" ça voulait dire - à cette époque - que nous pensions qu'il s'était passé à l'Est de grandes choses et que nous n'avions pas le droit de les ignorer. Nos sorties le dimanche, - avec Armand ROBIN, consistaient à aller souvent à la Bellevilloise - la Bellevilloise, c'était un cinéma qui monte la pente de Belleville. (…)

Robin, lui, se démenait comme un diable pour distribuer les cigarettes qu'il avait plein ses poches aux ouvriers qui nous entouraient. Il y avait des ouvriers autour de nous, et qui acceptaient volontiers ces cigarettes, et il y avait aussi, déjà, des intellectuels : Gide n'avait pas fait son voyage en U.R.S.S. encore, ni Eugène David non plus, mais on l'apercevait de dos, dans la salle de Belleville, et puis notre maître Jean Guéhenno n'habitait pas loin, avec un peu de chance on aurait pu le rencontrer. Alors, Robin, très émoustillé par tout cela, et quasiment communiste mystique, s'est dit qu'il allait voir de près ce que tout cela voulait dire.

1933 : il part en U.R.S.S. C'était assez facile... enfin, ça lui a coûté des sacrifices. Il habitait, à ce moment-là, une chambre d'hôtel au coin de la rue Gay-Lussac et de la rue Saint-Jacques, là tout au long, et il y a - en bon breton - mangé des pommes de terre, midi et soir, pendant un certain nombre de mois, avant d'avoir réuni le pécule nécessaire. Mais le voyage était payé par l'U.R.S.S. pour permettre aux étudiants qui le désiraient d'aller volontaires dans les kolkhozes pour le temps de la moisson. La moisson, ça le connaissait. (…) De cette moisson, la récolte qu'il fit lui apporta - l'adjectif est de lui - "une indicible déception". Il avait vu, et il en a parlé bien avant Soljenitsyne - il avait vu un tas de choses en Russie, il avait l'oeil ouvert. (…)

Je rencontre Armand ROBIN, à son retour de Russie, il venait de rentrer à Paris, il y avait quelques jours, au coin de la rue Soufflot, pas très loin du Panthéon, et je lui pose la question "Que se passe-t-il là-bas ? qu'est-ce que tu nous apprends? - Ça n'est pas parfait!" Je n'en ai rien tiré d'autre. Mais, tout ça devait fermenter et pour longtemps dans sa cervelle.

Ce voyage en U.R.S.S. a décidé de son orientation.

 
       Ce témoignage oral d'Alain Bourdon a été retranscrit dans la revue Frontières, hiver 1980-81.