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Armand Robin :
critique à la revue Esprit : 1937-1940

- Jean Paul Sartre La Nausée 07 / 1938 -

 

Jean-Paul SARTRE : La Nausée N.R.F.

Surgi d'une mystérieuse retraite, Jean-Paul Sartre avait déjà publié dans le numéro de janvier de Mesures une admirable nouvelle, à laquelle on ne sait quel air fuyant et défiant permettait, par surcroît, de se libérer du plaisir même qu'elle assurait au lecteur.

Peut-être, dans la Nausée, n'est-on pas retenu, intrigué par une indépendance aussi franche, aussi déliée ; le roman porte encore de loin en loin quelques légères traces d'une origine laborieuse, méthodique, presque universitaire ; sans doute est-ce parce que l'homme est resté davantage engagé dans son récit, qu'il emploie toutes les armes pour se dépêtrer de soi. Cette survivance est d'ailleurs peu de chose et il semble peu douteux que la Nausée ne soit une des œuvres remarquables de notre époque.

Le sujet, d'une féconde minceur, devient étrange dès qu'on le considère : c'est un roman en quête d'une vie, et découragé bientôt de ne rencontrer que des existences, c'est-à-dire des présences irresponsables, inexplicables! Aux dernières pages le héros de Sartre découvre une parcelle d'intelligence volontaire dans le monde extérieur et dès ce moment il se sent sauvé ; le voilà qui « s'est lavé du péché d'exister », pas complètement, bien sûr, mais tout autant « qu'un homme peut le faire » (dernière page).

 

On voit que Sartre s'arrête là où Kafka commence, qu'il a la bonté, ou peut-être l'indulgence, de ne pas nous contraindre à la bêtise absolue et même à la métamorphose en vermine ; peut-être aussi cette humanité tardive n'est-elle qu'une méfiance de plus : Sartre voit dans les hommes de notre époque autant de Mrs Teste rudimentaires, qui se croient atteints de folie, dès qu'ils sont menacés de banalité ; la complaisance avec laquelle son Antoine Roquentin, sorte de Salavin métaphysique, contemple ses actes par transparence, la savante minutie avec laquelle il se regarde du haut de sa « surréalité », les caprices enfin d'une imagination effarouchée par le quotidien l'inquiètent, lui semblent les maux du siècle, mais le laissent pantois devant l'avenir : en fin de compte il prend parti pour une nouvelle expérience métaphysique de la vie, plutôt que pour une vie : dernière défiance.

Il est à souhaiter que ce livre ait un grand retentissement ; qu'on ne lui reproche pas d'être abstrait : sans doute méritons-nous d'être exprimés par un héros métaphysique. Antoine Roquentin, c'est souvent le lecteur, c'est parfois l'écrivain d'aujourd'hui ; il représente assez bien notre héritage.

Armand Robin Esprit, juillet 1938

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