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Armand Robin :

Le traducteur de l'anglais

 

Ma Vie Sans Moi (1940) contient la 1ère traduction de langue anglaise publiée par Armand Robin : Le Corbeau d'E A Poe. Dans Poésie non Traduite II, (1958),  il donne des poèmes de Dylan Thomas et de Sydney Keyes.

En 1958, Gérard Vergez, alors directeur de la troupe du Ranelagh, commande à Armand Robin une traduction d'Hamlet de Shakespeare en vue de la faire représenter au festival théâtral d'Arras. Mais elle n'a pu être retrouvée. Dans le même temps Robin travaille à deux autres traductions : Les Gaillardes Epouses de Windsor et Othello, qui paraîtront dans le collection bilingue Formes et Reflets du Club Français du Livre en 1959. L'année suivante ce sera Le Roi Lear.

                                      

Pour lire des extraits de traductions de:

Shakespeare : Othello

Shakespeare : Les gaillardes épouses de Windsor :



Une traduction inédite de Keats :

Ode sur une urne grecque 


Ma Vie Sans Moi : traductions

contient Le Corbeau d'E A Poe


Armand Robin à la Gazette Littéraire de Lausanne  : article critique sur Le Roi Lear

sound1.gif (1037 octets) pour écouter Armand Robin expliquer ce qu'est traduire pour lui.

  Point de vue d'André Mansat sur Armand Robin traducteur de langue anglaise au colloque de La Briantais en 1987.

Armand Robin traducteur du Corbeau de POE

[...] Quant au « Corbeau », à la traduction par ROBIN du « Raven » d'E.A. POE, […] à coup sûr, il n'y a pas de besogne 'alimentaire'; il y a seulement choix et bon plaisir.

ROBIN traduisant  « Le Corbeau » a peut-être sous les yeux, mais a sûrement lu les célèbres traductions de BAUDELAIBE et de MALLARME, l'une de 1860, la seconde de 1883, peu probablement celle de Maurice ROLLINAT, publiée chez CHARPENTIER et passée presque inaperçue en 1919. (Rappelons, pour mémoire, que depuis 1920 il y a eu de ce poème six autres traductions publiées, dont celle de ROBIN, la dernière étant en 1976 celle de Henri GOBARD, chez FLAMMARION).

Laissez-moi vous lire, ce n'est pas perte de temps, la première strophe en anglais d'abord, puis dans les traductions de BAUDBLAIRE et de MALLARME, enfin dans celle de ROBIN. Vous le verrez de vous-même, il n'y aura pas besoin de grands discours, de gloses ou de disquisitions pour marquer la différence.

D'évidence, c'est la traduction de ROBIN qui est la plus proche de POE. Le poème, dans la langue de départ, obéit à une métrique très stricte, parfaitement régulière dans sa longueur, et recourt à la rime dont on entend bien que la dominante, plus nette et plus lancinante à mesure qu'on avance de strophe en strophe dans ce long poème, est la syllabe 'ore': « Lenore », « Nothing more », « Evermore », « Never more ».

BAUDELAIRE et MALLARME n'osent pas la poésie : leur traduction prosaïque rend le texte avec correction, exprime le sens mais non point l'atmosphère étrange et profondément morbide, sinon macabre, du poème d'Edgar POE - ROBIN si. Il bâtit de longs vers de vingt-deux syllabes, multiplie les assonances presque à toutes les reprises du souffle dans la diction du vers, et surtout dégage le thème central du poème, la mort ; le mot, phoniquement, identique à l'anglais ‘more’, revient en leitmotiv à la fin de chaque strophe, les assonances sont habilement maintenues, il est possible de dire que le poème est rendu, admirablement rendu - même s'il n'est pas exactement traduit.

On imagine un professeur éberlué marquant 'faux sens!’ ‘centre- sens', 'texte!' dans les marges de cette remarquable copie. « Le Corbeau » dans la version ROBIN est une réussite incontestable : le poème est mieux que traduit ; il est transmis ; le poète traducteur a joué parfaitement son rôle de ‘go-between’, de messager. C'est bien cela, il a transmis, non pas traduit ni trahi, mais fait passer le message d'amour et de mort.

Il faut bien dire, néanmoins, qu'ici ROBIN travaillait « avec le filet » des traductions antérieures, correctes, elles, sans faux sens, ni contresens.  Il a donc pu transposer tout à son loisir, sans grand risque d'erreurs.
Armand Robin traducteur de Sydney Keyes et Dylan Thomas

Il n'en va pas tout à fait de même quand il travaille « sans filet », c’est-à-dire quand il attaque, on dirait quand il s'en prend à des poètes et des poèmes difficiles jusqu'à lui non traduits. C'est le cas de Sydney KEYES et de Dylan THOMAS.

On voit bien ce qui a attiré ROBIN vers ces deux poètes anglais, l'un et l'autre « maudits ». Leur destin, d'abord, leur existence brève, KEYES, mort à vingt et un ans, pendant l'attaque anglaise en Tunisie en 1943, mais mort de « cause inconnue »; THOMAS, mort en 1953 à trente-neuf ans dans une extrême solitude au Pays de Galles, après une existence incertaine, trop de 'boires' et de ‘déboires’. Les traductions de ROBIN figurent dans le volume II de Poésie non traduite, publié en 1958 chez GALLIMARD ; le volume I ayant été publié en 1953. En vérité, ces traductions parurent dans le numéro de septembre 1954  de la N.R.F. et il en est question, ou il en est fait mention, dans un petit  texte de ROBIN a intitulé « Bisbille», auquel je vais revenir, paru dans la rubrique « Correspondance » dans le numéro de février 55 de la N.R.F.  De la traduction que fait ROBIN de deux poèmes de S. KEYES, « Poète de  Guerre » et « Toussaint au petit Drawda », je ne dirai guère : simplement qu'ils  m'émeuvent dans le français que je lis - l'anglais m'est resté introuvable. 

Dylan THOMAS, dont l'origine celte, les profondes racines galloises attiraient  sûrement ROBIN, je l'ai traduit moi-même, et fait traduire bien des fois. Il  est vrai que, selon les termes de ROBIN, c'est « un chasseur de mots à l'âge de  pierre », qu'il va « de roc en roc », que son vers avance « de croc en croc ». C'est  vrai, mais il est aussi vrai qu'en dépit de la malédiction, des 'boires' et des  ‘déboires’, THOMAS est un poète au délire rigoureux, enfermé dans une métrique  exigeante, comme cela est vrai des poètes anglais les plus hermétiques, voire  les plus déments : je pense à Gerald Manley HOPKINS, qui d'ailleurs influença  fortement THOMAS. Et dans l'anglais, même si elle est parfois fantaisiste, à  récurrence variable souvent, la rime est présente. 

Dans les poèmes de THOMAS que traduit ROBIN, le délire verbal du poète  anglais, sa vision cosmique où la faune et la flore entremêlées lui souhaitent  un furieux et doux anniversaire, sont rendus avec force, avec, parfois, un  bonheur d'expression qui rachète bien des erreurs de sens ou d'interprétation.  ROBIN crée des mots invraisemblables : un lit dédaleux, une tobogganeuse mer,  une paix patraquant les nuages, des fusetants ouragans... Il faut dire que, de  son côté, D. THOMAS torture la langue anglaise et, somme toute, chez l'un comme  chez l'autre poète, la véhémence emporte tout, même l'indignation... ROBIN est  à l'aise dans « les paniques de cormorans et de pinsons », les palabres d'oiseaux,  les aiguilles, épieux, des hérons ». C'est l'harmonique intérieure du poème qui  est rendue, même si l'harmonie prosodique est négligée, même si, parfois, avec  une audace, un sans gêne incroyables, ROBIN, dans une sorte de « Pousse-toi »,  « Tire-toi de là », remplace D. THOMAS. Si on le lui reproche, ou de graves erreurs  de sens (c'est l'objet de sa « Bisbille » avec un certain Jean-Régis FANCHETTE  à propos de la traduction de « Love in the Asylum », « Amour à la maison de fous »),  on voit bien que ça l'embête et il se défend mal... « Il n'y a pas que le sens,  dit-il, il y a le son ». C'est évidemment son recours, mais allez faire admettre  cela à ces pédants de spécialistes ! D'autant, bien sûr, que ces spécialistes,  à côté de la traduction de ROBIN pour « The House not right in the head », « La  maison de travers dans ma tête », celle de M. FANCHETTE, « La maison de cinglés »,  ont une troisième traduction à proposer : au vu de l'absence de ponctuation du  poème, il est vraisemblable que c'est cette jeune fille folle comme les oiseaux   chez qui « ça va pas la tête », comme on dit aujourd'hui. Mais au diable les  spécialistes bornés ! Il faut admettre qu'avec des erreurs de sens parfois  énormes, ROBIN traduit fort bien Dylan THOMAS. 

Armand Robin, traducteur de Shakespeare

Reste SHAKESPEARE - et ce n'est pas rien. ROBIN, pour le CLUB FRANCAIS DU  LIVRE, dans la collection « Formes et Reflets », traduit deux tragédies, Othello  et Le Roi Lear, une comédie, Les Joyeuses Commères de Windsor, qu'il traduit  de façon nouvelle par Les Gaillardes Epouses de Windsor.

Cette traduction des  œuvres complètes de SHAKESPEARE parut en 1959 sous la direction de Pierre LEYRIS  et de Henri EVANS, avec, outre Armand ROBIN et LEYRIS lui-même, des collaborateurs aussi connus que Pierre-Jean JOUVE et Yves BONNEFOY. On devine bien que  Pierre LEYRIS a choisi avec soin son équipe et que c'est grâce à la qualité de  ses Poésies non traduites que ROBIN a mérité ce choix. Bien sûr, on devine que  c'est là une 'commande', aubaine bienvenue pour, (et recherchée par) ceux qui vivent maigrement de leur plume. On devine enfin que dans des traductions de  ce genre il y a nécessairement compilation, et l'on imagine le dernier traducteur entouré des versions antérieures et bâtissant la sienne à partir des  autres, en tâchant d'y loger son accent personnel - Henri THOMAS et Jean  ROUSSELOT ont réussi à faire cela beaucoup mieux que pas mal du tout pour les  Sonnets de SHAKESPEARE. Ce que l'on devine moins bien sans doute, c'est, même  ainsi, l'énorme travail, le labeur acharné et tatillon qu'il convient de  fournir pour traduire les cinq actes d'une pièce de SHAKESPEARE, à plus forte  raison trois pièces et quinze actes et, en plus, remettre sa copie à temps.  C'est là ce qu'on a pu appeler la condition « inhumaine » du traducteur.

Tout  compte fait, à mon avis, ROBIN s'en sort mieux qu'honorablement. On va, pour  le juger, aux passages les plus connus, dans Lear, aux dialogues entre le vieux  roi et son fou, dans Othello, à la Chanson du saule, dans Les Gaillardes Epouses  comme dit ROBIN, aux saillies de Falstaff. Là, le filet bien tendu, sans grand  risque d'erreurs de sens, l'accent ROBIN apparaît ou transparaît avec toujours  la même vigueur dans certains choix de mots ou d'expressions. Quand Lear dit à  Gloster, à l'acte IV: « No eyes in your head! No money in your purse » etc., tous  les traducteurs traduisent « money » par « argent ». ROBIN dit « sou » : « Quoi ! pas  d'yeux à votre tête, pas de sous dans votre bourse ! Vos yeux sont dans une  lourde boîte ! Vos sous dans une légère ». Le ROBIN vigoureusement paysan et  plébéien est tout entier dans ce mot « sou ». Jean-Louis CURTIS qui a adapté tout  SHAKESPEARE à l'écran et beaucoup à la scène a pris très récemment parti en  faveur d'une langue familière et même argotique, non pas ancienne et démodée,  mais en cours, actuelle, pour rendre la vulgarité avec laquelle s'expriment  souvent les gens du bas peuple dans SHAKESPEARE: Il fait dire à l'un des  « truands »: « Fous-lui une tarte sur la tronche », et à Caliban: « Qu'est-ce que  tu déconnes avec cette camelote ! ».

Bien avant CURTIS, ROBIN n'a pas manqué  d'avoir de ces audaces anachroniques, en disant qu'il mettrait Desdémone en  « tranches de pâté » et en utilisant pour elle le mot surprenant de « gonzesse »  (On a de ces surprises avec ROBIN !). Tant pis pour les anachronismes, et  d'ailleurs SHAKESPEARE s'en moquait bien : son théâtre en regorge. L'ennui est  que, dans sa virulence, ROBIN peut mettre ce langage dans la bouche d'Othello,  par exemple, qui, bien que dévoré par le « monstre vert » s'exprime en décasyllabes parfaits. Le bas peuple s'exprime en prose, et là, tout est permis. Mais  à partir d'un certain niveau social, c'est en « blank verse » que l'on s'exprime,  en vers de dix pieds irréprochables avec leur compte exact d'accents ou temps  forts. ROBIN, qui traduit honnêtement vers à vers, s'exerce à une mesure  variable, incertaine, qui n'est que très rarement l'alexandrin. En fait, et  très normalement, les passages en prose sont les mieux traduits et c'est pourquoi Les Gaillardes Epouses sont les mieux réussies car le dialogue y est le  plus souvent prosaïque.

Notons ici la drôlerie de ROBIN qui, le premier et,  je pense, le seul, donne aux patronymes anglais leurs correspondants français  avec une certaine attirance pour les noms bretons : non seulement la distribution comporte un ROBIN, mais il y a encore un M., une Mme et une Mlle Lepage,  un M. et une Mme Legué, presque LEGUEN, et un juge Leborné - peut-être en  souvenir de Bécassine du même nom, au féminin ; il y a aussi un Lesimple et un  Létriqué dont il y aurait malice à les dire Bretons...  Au fond, ROBIN traverse cette condition « inhumaine » sans avoir l'air d'en  trop souffrir. Quand on est obligé de traduire SHAKESPEARE dit Jean-Louis  CURTIS, on est très malheureux. Je ne pense pas, pour ce que j'en ai lu, que  ç'ait été le cas de ROBIN. Peut-être eût-il éprouvé la grande mélancolie métaphysique de Hamlet s'il l'eût traduit comme le souhaitait REYBAZ pour le  Festival d’Arles ; ce dernier n’en eût jamais que le début qu’il déclare « admirable » ; mais là, il faut l’en croire.