robin_index.gif (9504
                      octets)

chrono.gif (1744
                                octets) poesie.gif (2192
                                octets) roman.gif (1868
                                octets) traduction.gif
                                (2450 octets) critique.gif
                                (1979 octets) ecoutes.gif (2186
                                octets)
icono.gif (2534
                                octets) proses.gif (2040
                                octets) lettres.gif (2171
                                octets) theatre.gif (2064
                                octets) radio.gif (1706
                                octets) voix.gif (1867
                                octets)

ico_pi.gif
                    (21800 octets)

biblio.gif (1004
                                octets)
temoins.gif (1901
                                octets)
contact.gif (1838
                                octets)

Armand Robin : la poésie personnelle :
Le Monde d'une Voix / Fragments / Le cycle du pays natal
(1968 - 2000)

                   

La publication des oeuvres posthumes d'Armand Robin est un véritable roman qui commence par leur rédaction pendant la guerre ou juste après : Armand Robin écrit des textes et notes parfois en vers libres, ou plutôt il tape à la machine ce qui lui passe par la tête, puis il remanie à maintes reprises. On aboutit ainsi parfois à plusieurs versions d'un même texte. Certains ne sont que des notes en vue d'un article de critique : ex: sur Claudel, Rimbaud ou Joyce. Un ensemble traduit son émoi à apprendre le chinois. D'autres évoquent son présent dans une période de crise. Parfois la proximité de sa rédaction du Temps qu'il fait le pousse à rédiger des "idées" en rapport avec la Bretagne.  C'est en fait le journal de sa grande crise, envers de son oeuvre officielle (et notamment du Temps Qu'il Fait), et qui allait décider de toute sa vie.

Armand Robin jugeait impubliable cette oeuvre disparate, ce qui ne l'a pas empêché de la conserver malgré toutes les vicissitudes traversées.  Il en avait même donné un aperçu à ses contemporains dès 1943 dans l'anthologie La Jeune Poésie de la collection Comoedia-Charpentier, sous la forme de 3 poèmes parfaitement caractéristiques : Lettre à mon père, Le Traducteur et Dieu. Ils révèlent déjà en filigrane la grande crise que traverse l'auteur : il y annonce notamment son renoncement à toute poésie personnelle et son refuge dans la traduction. On peut les considérer à la fois un testament et un justificatif de l'abandon définitif de toute oeuvre personnelle et notamment de ces brouillons sans doute déjà écrits en grande partie alors même que ces trois poèmes sont parfaitement aboutis et d'une forme très soignée. Rien ne dit qu'ils aient été seuls...

En 1961, à sa mort, ces papiers sont sauvés, du moins en partie. En 1968, Alain Bourdon et Henri Thomas les révèlent au public dans Le Monde d'Une Voix ; mais l'oeuvre est incomplète, disparate, fautive en de très nombreux points. En 1992, Françoise Morvan en reprend l'édition sur des bases plus scientifiques dans Fragments et se limite aux textes de la période de la guerre. Cela se  termine en 2000 par Le cycle du pays natal, qui reprend les seuls poèmes et textes concernant la Bretagne.

Une publication parfaitement exacte étant proprement impossible compte tenu de l'état du tapuscrit, il ne faudra donc pas s'étonner de divergences en choix, lecture et transcription des textes. Pour plus de précisions, voir la préface de Fragments.

mail.gif (1768
                    octets) Le Monde d'Une Voix et Fragments ont été édités chez Gallimard dans la collection blanche. Une édition légèrement abrégée et très proche du Monde d'une voix se trouve dans la collection poésie / Gallimard avec Ma Vie Sans moi. Le Cycle du pays natal, éditions La Part Commune, 2000 et 2010, est extrait de Fragments


les 3 poèmes de l'anthologie La Jeune Poésie Comoedia Charpentier

LETTRE A MON PERE

 

Mon père, je t'écris dans l'encre rougeoyante de l'aurore.

Ma vie où les rochers et les ronces piquent encore,

Tu pourras la faucher, la sécher, l'engerber,

L'engranger parmi tes blés dans ton grenier.

 

J'ai gardé la douceur, le granit de jadis ;

Je n'ai pas effarouché de bruissetis dans les taillis ;

Sans troubler la toilette tintillonnante des bruyères,

Je te reviens, tout cahotant d'ornières.

 

Voici ma tête comme une lande courbe aux genêts soumis

Et mon âme vêtue en petit peu de lune bleuie.

Et viens, je te présente mon épouse : c'est l'épouse fatigue ;

Aprement, tendrement, nous jouâmes jour et nuit.

 

Je suis resté le chêne, la fontaine et le houx de chez nous;

Les moutons et les bœufs sous leurs pieds roux et mous

Me piétinent sourdement, lourdement, me délivrent

De ces risibles coquelicots que sont mes livres.

 

Mon âme est un buisson d'ajoncs que depuis dix ans

Ne viennent visiter ni chevaux, ni paysans;

Et pourtant, tu le sais,, les poulains à pleines dents

Me mangent lentement, chaudement, tendrement.

 

Mes poèmes, ne les regarde pas d'un œil trop gros ;

Je n'ai pas écrasé du réel sous mes mots ;

Ils sont trèfles trempés qu'à larges bras, très droit,

A vastes faux j'abats ; et tous sont du peuple, ont la foi.

 

Mon araire oscillante et délicate de poète,

Je la conduis, pas fier ; dans les souches hypocrites

Et criardes des images je titube. C'est un cheval bruissant

De harnais et de pas fidèles qui finit mon chant.

 

Père, je suis allé plus loin qu'à nous il n'est permis ;

Ils me disent poète et savant ! Je n'ai pas trahi

Notre ferme d'éternité. Loin des bourgeois mauvais

Je tiens bon dans notre règne de simples choses vraies.

 

Les fainéants près de moi disent : « Le fainéant, c'est lui ! »

Les méchants désarmés s'écrient : « Le méchant, c'est lui ! »

Et moi, pour qu'ils en vivent, je leur livrais gratis

L'âme du peuple, sa douceur, sa grandeur, son granit.

 

Tant mieux ! Père. Puisse l'insulte, gaulant mes branches,

M'arracher cette pomme sautillonnante d'impatience

Qu'est le cœur. Je veux rouler en fruit blessé aux pieds d'autrui

Eclaboussant mon instant d'herbe en d'autres vies.

 

Août 1942



Une jolie version préparatoire de ce poème figure dans Le Monde d'Une Voix :

Cessez d'accepter un monde où les riches et les puissants aient droit de disposer de l'art!

LETTRE A MON PÈRE

Mon père, je vois bien que je me suis trompé
En voulant devenir un poète, un lettré;
Je n'ai réussi qu'à me fatiguer
Et qu'à tournicoter, tout brouillé.

Je suis allé plus loin qu'à nous il n'est permis;
On m'accable de haine et de raillerie;
Où je suis né j'aurais dû rester,
Tous ont eu raison de me châtier.

*****************************

Aujourd'hui si tu venais tu me retrouverais
Comme cette faux que tu as laissée
Hier soir dans des herbes obscures et se souvient très frais
D'avoir sous tes doigts travaillé.


Le Monde d'Une Voix

 

 


LE TRADUCTEUR


Je ne lance plus mes bras sur les outils, les plantes ;

II faut pourtant que pour la terre je m'impatiente.

 

Je sèmerai mon âme, ivraie osée en blé ;

Que rien d'elle l'été prochain ne soit moissonné !

 

Je désire que les poètes arabes, chinois, japonais

Me traînent loin de moi, proscrit, battu, pillé.

 

De vos langues, de vos sciences je serai le braconnier ;

Pour vos chants les mieux terres je guetterai quarante années,

 

En vain toi tu te caches dans une langue ignorée ;

Jo serai le chasseur le plus têtu des plus têtus fourrés.

 

Je saurai me charger de toutes les corvées ;

Avec le plus patient des chevaux je m'entendrai.

 

La beauté des autres poètes m'est un brasier

Où me jeter en fagot sacrifié, luisant et gai.


DIEU

 

Ne pouvoir parler

Que lèvres serrées

En lèvres d'autrui.

 

Ne pouvoir donner

Qu'un destin terré

En destin d'autrui.

 

Objet sans sujet,

Ne se contempler

Que craquant d'autrui.

 

Souhaitant saigner,

Voir un étranger

Sur son crucifix.