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Armand Robin :
critique à la revue Esprit : 1937-1940

- Giraudoux A propos de Charles Louis Philippe 11 / 1937 -

 

De GIRAUDOUX, A propos de Charles-Louis Philippe, un admirable fragment de critique poétique et, par-là même, créatrice : la pensée y est réelle au point d'être aussi phrase belle, ce qui suffit à menacer la thèse directrice de l'article :   « toute l'expression écrite des sentiments français est bourgeoise » ;  « toute la littérature française est classique, c'est-à-dire d'une certaine classe... ». Peut-être conviendrait-il plutôt d'affirmer qu'une « expression », dès qu'elle parvient à la beauté, se sépare de toutes les autres, aussi bien royales que bourgeoises ou populaires: pour être naturel un style n'a besoin que d'être parfait : une « littérature de classe » n'est jamais la littérature d'une classe ; Racine ne s'adresse pas au roi, mais à soi-même, ce que fait aussi Giraudoux, qui ne s'est déclassé, n'a cessé d'être « classique » que lorsqu'il a parfois consenti à égrener à l'usage des chapelles littéraires bourgeoises les notes menues de cette ,   « liturgie » à laquelle il voudrait réduire toute notre littérature.

« Il y a dans notre littérature des considérations sur la misère, pas une seule expression de la misère, et il en est de même pour tous les besoins, les appels et les souffrances primitives ». C'est oublier au moins Villon et même certains vers de Phèdre. Par ailleurs les grandes souffrances créent et ne crient pas ; seuls les esprits étrangers au malheur attendent de la misère une sorte de témoignage brut ; les malheureux, eux, espèrent en l'harmonie et se préparent à l'éloquence.

 

Le reste de l'article semble aussi remarquable par sa justesse que par sa plénitude. La pensée de Giraudoux s'est faite toute proche des plus grandes ; mais elle s'embarrasse encore dans ses ruses et reste alourdie par la trop fréquente légèreté de ses jeux; la plus réelle infortune de Giraudoux - ses infortunes lui ressemblent - est d'avoir jadis travaillé ses dissertations dans le parc du plus futile des lycées.

Les toutes dernières pages contiennent une découverte qui est plus à l'honneur de Giraudoux que lui-même ne le soupçonne peut-être : c'est d'avoir effleuré le secret des écrivains venus du peuple: ils ne cessent de se sentir compromis dans le défaut du monde ; vivant dans la crainte d'avoir faussé le destin, ils portent en eux le remords d'être présents ; d'où leur penchant à l'autobiographie, au mea culpa et leur aversion pour l'attitude subversive : les révolutionnaires n'attaquent généralement qu'eux-mêmes. Sentiment étrange certes ; Giraudoux n'a pu le saisir qu'à force d'AMITIÉ pour Charles-Louis-Philippe.

Armand Robin Esprit, novembre 1937

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